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Kart #5 | L’Ilot depuis 60 ans aux côtés des ex-détenu∙e∙s 1024 576 L'Ilot

Kart #5 | L’Ilot depuis 60 ans aux côtés des ex-détenu∙e∙s

Illustration Squarefish

C’est en 1960 que l’ASBL L'Ilot est créée à l'initiative de Jean-Jacques Pagnano. À l’origine de ce projet, on retrouve avant tout une histoire personnelle, une histoire d’amitié entre deux hommes.

Jean-Jacques Pagnano voit, en cette même année 1960, l’un de ses proches amis emprisonné par suite d’un accident de voiture meurtrier commis sous l’effet de l’alcool. Jean-Jacques Pagnano découvre par l’intermédiaire de son ami les réalités de l’univers carcéral. Il constate que les compagnons de détention de son ami n’ont nulle part où aller, une fois libérés.

Touché par le sort des anciens détenus, celui qui deviendra le fondateur de L’Ilot se propose alors de les héberger pour quelques jours. Un an plus tard, en 1961, le premier centre d’hébergement ouvre ses portes à Bruxelles et propose un accueil inconditionnel et un accompagnement aux hommes sortant de prison.

D’autres Maisons d’accueil pour ex-détenus sont créées dans la foulée dans d’autres villes belges (à Marcinelle notamment en 1963, Maison d’accueil qui déménagera ensuite à Jumet) et ailleurs en Europe (France, Italie) et dans le monde (Brésil).

Aujourd’hui, L’Ilot dispose de trois Maisons d’accueil pour hommes (à Bruxelles, Jumet et Marchienne-au-Pont) et d’une Maison d'accueil pour femmes et familles (à Bruxelles). Chacune de ces quatre maisons est un lieu à taille humaine, avec une capacité d’accueil volontairement limitée afin de préserver l’intimité et le bien-être de chacun et chacune.

Parmi les différents profils hébergés dans les Maisons d’accueil, les personnes sortant de prison sont soumises à une procédure d’accueil et d’accompagnement spécifique.

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences 1024 608 L'Ilot

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences

Illustration Gérard Bedoret

On peut être une femme diplômée, une travailleuse opiniâtre, une mère de famille épanouie et tout perdre. On peut aussi avoir, comme moi ou comme certain·es d’entre vous peut-être, les ressources nécessaires pour s’en sortir en cas de pépin.  La frontière est pourtant souvent ténue entre un cadre de vie idyllique et la détresse qui nous mènera au sans-abrisme.

Le sans-abrisme ne se limite pas aux personnes contraintes de dormir dans la rue. La FEANTSA* élargit ce concept aux problèmes de logements précaires ou inadéquats, faisant entrer de fait dans la population dite sans abri l’ensemble des ménages vivant dans des logements trop chers par rapport à leurs revenus, surpeuplés ou insalubres. Avec les crises que traverse aujourd’hui notre société, le nombre de personnes correspondant à ce profil, et donc en risque de perte de logement, va littéralement exploser.

Cela ne surprendra personne, mais le sans-abrisme ne s’anticipe pas. Dans beaucoup de cas, il ne s’annonce pas non plus : aujourd’hui, l’augmentation de la pauvreté fait que de plus en plus de personnes peuvent, du jour au lendemain, se retrouver sans rien.

Et les causes qui peuvent faire basculer vers le rien sont nombreuses : la perte d’un emploi, le faible niveau des revenus, la monoparentalité, les violences conjugales ou intra familiales, les migrations, les problèmes de santé, une rupture familiale ou amoureuse, le manque de logements abordables, le soutien insuffisant accordé aux personnes sortant d’un centre de soin, de l’hôpital, de prison ou d’autres établissements publics, l’extrême fragilité du réseau social et/ou familial. À cette liste déjà trop longue, on doit désormais ajouter l’augmentation du prix de produits de première nécessité et l’explosion des coûts énergétiques.

Le profil de la population sans abri est tout aussi diversifié. Elle ne comprend pas seulement des hommes seuls. Aujourd’hui, ce sont aussi des femmes et des familles, des jeunes, des enfants, des migrant·es et d’autres publics souvent marginalisés.

Sont aussi concernées des personnes en situation d’exclusion en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Un public souvent en situation de rupture familiale, livré à lui-même.

La détresse et la brutalité d’une mise à la rue ne connaissent pas d’équivalent en termes d’exclusion et de violence. En quelques jours, en quelques heures parfois, la confrontation avec le réel dépasse l’entendement.

Une spirale infernale qui guette beaucoup plus de monde qu’on ne le voudrait. Le décalage avec sa « vie d’avant » est parfois vertigineux et favorise les fêlures. Seul·e ou accompagné·e, dans la rue, le vide est partout. Et la société, en roue libre, ne s’arrêtera pas : il faut tellement peu de temps pour devenir invisible. Et des années pour tenter se reconstruire.

Les violences psychologiques vécues par les personnes sans abri sont d’autant plus fortes qu’elles s’accompagnent trop souvent de l’absence ou d’une insuffisance de suivi psychosocial de qualité. Le manque de ressources auquel sont confrontées les personnes concernées favorise cette plongée vers l’oubli, particulièrement pour les femmes qui doivent faire face à des structures peu adaptées à leurs besoins spécifiques. C’est pourquoi, en 2023, L’Ilot ouvrira un nouveau Centre de jour réservé aux femmes et exclusivement pensé par et pour elles.

Au contact de la rue, sans logement, sans accompagnement, il faut si peu de temps pour disparaitre et l’on sait les premières heures décisives. C’est sur celles-ci que je veux insister aujourd’hui. Et c’est notamment pour cela que seules des solutions dignes, structurelles et globales sont efficaces à moyen et long termes.

Parce que, en définitive, la situation des personnes sans abri nous concerne toutes et tous.

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot

* La Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans abri.

Enfance et rue : no future ? 900 414 L'Ilot

Enfance et rue : no future ?

Illustration Prisca Jourdain

Mes jeunes années ont été heureuses sur bien des points et elles ont fortement contribué à faire de moi une adulte épanouie et solide. Celles de mon fils et mes deux filles ont suivi et suivent encore le même chemin : scolarité ininterrompue, nourriture équilibrée, fêtes d’anniversaire avec les copains et copines, chambre à soi, entraînement de basket et cours de musique… La norme ? Pas pour tout le monde : beaucoup trop d’enfants, privés de ces besoins fondamentaux, vivent, avec leurs parents, parfois un seul, parfois aucun, en marge d’une société – la nôtre – sans que nous ayons la capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux.

Subir l’exclusion alors qu’on n’est encore qu’un nourrisson ? Hors de question ! Et pourtant, cette situation révoltante s’aggrave : on observe une augmentation plus qu’inquiétante du nombre de familles en situation de sans-abrisme. Les derniers dénombrements estiment que 20 % des personnes sans abri sont des enfants ! Et le phénomène, loin de diminuer, s’accélère de manière dramatique. 

De plus en plus de familles sans abri ou en risque de sans-abrisme – souvent portées à bout de bras par des mamans solo – font appel à nos services pour s’en sortir. Mais le manque criant de solutions pérennes que notre secteur peut leur apporter creuse toujours un peu plus le fossé qui les sépare d’un futur digne, dans un chez-soi bien chauffé, avec un frigo suffisamment rempli, sans la menace d’un huissier ni la peur d’une expulsion … 

Mettre en place des réponses adéquates et coordonnées pour les parents, c’est sortir leurs enfants de la boucle du déterminisme social, éviter que la précarité ne se transmette de génération en génération. Car une famille qui n’a pas de logement aujourd’hui risque de mettre des années à sortir de la précarité et tout ce qu’elle entraîne : non accès à une alimentation saine, détérioration de la santé physique et mentale, risque accru de violences conjugales et/ou intrafamiliales, non accès à la culture et aux loisirs, etc. Vivre sans toit, sans droits, c’est la condamnation à un travail de reconstruction extrêmement lourd, quand celui-ci est seulement envisageable. Pour les enfants, c’est aussi le risque d’un parcours scolaire perturbé ou brutalement interrompu, le renoncement aux loisirs, la perte de confiance en soi… L’insouciance et la légèreté font place à la peur et au sentiment d’insécurité. Ces enfants grandissent trop vite et portent dans leur sac à dos des problèmes qui ne devraient pas les concerner.

Je suis persuadée que les solutions durables pour toutes celles et ceux qui sont confrontés au sans-abrisme et au mal logement devront être pensées ensemble. Le décloisonnement sectoriel mais aussi un travail coordonné entre les responsables politiques et les associations de terrain sont plus que nécessaires pour que les droits des femmes, des jeunes ou des enfants soient, un jour, pris en compte et rencontrés dans une dynamique globale. Les lignes budgétaires comme elles sont pensées à l’heure actuelle ne permettent que trop rarement d’avancer dans cette logique d’intersectorialité.

Sans ce travail coordonné, sans moyens financiers conséquents, toujours trop d’enfants continueront à subir la pauvreté et l’exclusion au quotidien, seront privés dans les années à venir de leur droit fondamental au bonheur et à l’insouciance. 

Il en va de notre responsabilité à tous et toutes. Leur avenir est entre nos mains.

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot