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Kart #9 Temps plein, poches vides | Des fins de mois impossibles malgré un emploi : témoignages 1024 576 L'Ilot

Kart #9 Temps plein, poches vides | Des fins de mois impossibles malgré un emploi : témoignages

En Belgique, de plus en plus de travailleurs peinent à boucler leurs fins de mois, malgré un emploi à temps plein. Pour beaucoup, les salaires ne suivent pas l’augmentation constante des loyers. Suite à la sortie de notre nouvelle publication sur les travailleurs et travailleuses précaires, nous avons récolté plusieurs témoignages autour de nous, que ce soit à L’Ilot ou dans notre entourage, concernant la thématique du travail précaire. Tous et toutes témoignent d’un même constat : travailler ne suffit plus pour vivre décemment.

Sylvia*, 36 ans, travailleuse sociale

« On m’a souvent parlé de la règle des 30%. Une règle selon laquelle le loyer d’un appartement ne doit pas dépasser 30% des revenus d’un ménage. Je suis travailleuse sociale, mon conjoint travaille à temps plein lui aussi. Nous avons cherché pendant deux ans à nous loger à Bruxelles en tenant compte de cet adage des 30%. Force est de constater que c’est devenu impossible. Aujourd’hui pour se loger, il faut se mettre en danger financièrement. »

Zakaria*, 51 ans, père de 3 enfants

« C’est devenu impossible en 2024 de vivre convenablement de ses revenus. Avant mes quelques économies me permettaient parfois de partir en vacances, de faire l’un ou l’autre cadeau à mes enfants ou à mes proches. Aujourd’hui, elles m’autorisent tout juste à régler mes factures et à faire face à l’un ou l’autre imprévus. Je suis en permanence sur la corde. »

Blandine*, 24 ans, jeune travailleuse

« J’ai 24 ans, je travaille à plein temps, mais ça ne change rien : avec les garanties locatives de plus en plus élevées, aucun propriétaire ne veut de moi, même avec un emploi à plein temps. Les propriétaires demandent des montants incroyables, parfois jusqu’à trois mois de loyer en avance, juste pour accepter de me louer un appartement. C’est impossible pour moi, même avec un salaire régulier. J’essaie de montrer que je suis sérieuse, que je travaille et que je peux payer, mais c’est jamais suffisant pour eux. Je me retrouve à rester chez des amis ou à chercher des logements précaires parce que je ne peux jamais réunir ces garanties exorbitantes. C’est vraiment décourageant de se dire que, malgré mon travail, je ne peux même pas accéder à un logement stable. »

Jean-Pierre*, 70 ans, travailleur à la retraite

« J’ai pris ma retraite il y a trois ans, mais au lieu de me reposer, je dois continuer à travailler parce que ma pension ne couvre même pas le loyer. Je pensais pouvoir enfin souffler après une vie de boulot, mais entre les loyers qui explosent et les factures qui tombent chaque mois, je n’arrive pas à m’en sortir. C’est épuisant, je me demande souvent quand je pourrai vraiment profiter de ma retraite, ou si ce moment viendra un jour. »

Mariam*, 31 ans, travailleuse à plein temps

« Malgré mon salaire, le loyer engloutit plus de la moitié de ce que je gagne, et chaque mois, je me retrouve à devoir choisir entre payer mon loyer à temps ou me nourrir correctement. Même en travaillant à plein temps, j’ai l’impression que ce n’est jamais suffisant pour vivre décemment. Les factures s'accumulent, tout devient plus cher, mais mon salaire, lui, ne bouge pas. Ce n’est pas normal de travailler autant et de ne pas pouvoir boucler ses fins de mois. On bosse dur, mais on survit à peine. »

Moussa*, 19 ans, personne sans papiers

« Sans papiers, je galère déjà à trouver du travail, mais quand j’en trouve, c’est souvent pour des salaires de misère parce que certains abusent de ma situation. À la fin du mois, impossible de payer mon loyer correctement. Et en plus, je fais face au racisme : les propriétaires et les employeurs me ferment la porte juste à cause de mes origines. J’ai l’impression d’être coincé dans une double précarité, celle de ne pas avoir de papiers et celle d’être jugé sur qui je suis. »

Et vous ? Comment faites-vous face à cette situation ? Est-ce que votre travail vous permet de vivre de vos revenus ? Quel est le % de votre salaire que vous mettez dans votre loyer ? Est-ce que vous connaissez des personnes qui vivent la même situation ? Envoyez-nous votre témoignage en 4-5 lignes à presse@ilot.be. Nous en repartagerons certains d’entre eux de manière anonymisée sur notre page Instagram. Merci d’avance à tous et à toutes pour votre participation !

*prénom d'emprunt.

Prix fédéral de lutte contre la pauvreté : votez pour ISSUE 1024 576 L'Ilot

Prix fédéral de lutte contre la pauvreté : votez pour ISSUE

Cette année, le Prix fédéral de lutte contre la pauvreté récompensera les partenariats mis en place pour lutter préventivement ou curativement contre la pauvreté.

Et L'Ilot fait partie des lauréats avec le projet ISSUE : en 4 ans, grâce à ISSUE, 100 personnes ont pu être logées temporairement dans des bâtiments inoccupés avant de trouver un logement durable pour certaines d'entre elles.
Temps plein, poches vides : quand le travail ne protège plus de la précarité 1024 576 L'Ilot

Temps plein, poches vides : quand le travail ne protège plus de la précarité

Un loyer qui augmente, des prix qui ne cessent de s’enflammer, un marché de l’emploi qui favorise l’ère de l’ubérisation maximale (dans laquelle les personnes engagées sont forcées de passer sous le régime indépendant, sans plus aucune sécurité). Voici le dangereux mélange qui nous menace toutes et tous, qui pourrait tout nous faire perdre ! En 2024, plus de 2,1 millions de Belges courent un réel risque de pauvreté ou d'exclusion sociale [1].

Avec 1426 euros mensuels, le statut d’Emmanuel est devenu celui d’une personne vivant sous le seuil de pauvreté [2].  Loin d’être un cas isolé, de plus en plus de travailleuses et travailleurs arrivent chaque jour dans nos services n’ayant plus les moyens de se loger. Ces femmes et ces hommes, souvent invisibles aux yeux de la société, luttent quotidiennement pour joindre les deux bouts. Leur courage et leur ambition demeurent puissants et se voient parfois engloutis bien rapidement par une dynamique mortifère : une faillite, une maladie, une accumulation de factures, etc. Et la hausse des prix qui s’amuse sans vergogne à jouer avec ces vies.

Le travail ne protège plus de la pauvreté. Vos dons sont nécessaires et permettent à nos services d’accueil d’assurer un lieu de réconfort, un toit pour plusieurs mois, mais aussi un espace de travail et de rencontre pour que ces travailleuses et travailleurs sans abri puissent se reconstruire, retrouver l’estime de soi et restaurer leurs droits. Grâce à vous, l’Ilot propose un accompagnement au long cours pour permettre à chacun et chacune d’aller de l’avant, de retrouver confiance et d’envisager à nouveau une trajectoire de vie épanouissante.

La réalité est criante : l'indexation des salaires ne permet plus de compenser l'augmentation des prix et certains barèmes salariaux ne rencontrent plus le coût de la vie. Davantage de travailleurs et travailleuses basculent dans le champ de l’urgence sociale, de l’aide alimentaire ou encore de l'aide énergétique. La précarité des travailleurs et des travailleuses est un fléau silencieux.

Votre soutien est essentiel pour nous permettre de poursuivre efficacement nos missions d’accompagnement.

*Prénom d'emprunt. Nos témoignages sont reconstitués d'après plusieurs expériences de terrain pour ne pas mettre en péril l'anonymat de nos usagers et usagères.

[1] https://statbel.fgov.be/fr/themes/menages/pauvrete-et-conditions-de-vie/risque-de-pauvrete-ou-dexclusion-sociale#news

[2] En Belgique, le seuil de pauvreté s’élève à 1.450 € par mois pour une personne seule et à 3.045 € pour un ménage de deux adultes avec deux enfants.

Photo : ©Towfiqu Barbhuiya