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Cambriolage à la Recyclerie de L’Ilot à Marchienne-au-Pont 1024 576 L'Ilot

Cambriolage à la Recyclerie de L’Ilot à Marchienne-au-Pont

Cambriolage à la Recyclerie de L’Ilot à Marchienne-au-Pont : 20 000 € dérobés, un projet solidaire fragilisé

Il s’agit d’un énorme coup dur pour un projet d’économie sociale et solidaire jusqu’ici en pleine expansion.

Dans la nuit de dimanche à lundi, la Recyclerie de L’Ilot à Marchienne-au-Pont, située avenue de Matadi 14a (6030 Marchienne-au-Pont), a été la cible d’un cambriolage. Déjà régulièrement victime de vols à l’étalage ces derniers mois, c’est à un délit de plus grande ampleur qu’on cette fois été confronté·es les travailleuses et travailleurs de la Recyclerie.

Le préjudice financier est estimé à près de 20 000 euros, sans compter les pertes supplémentaires liées à la fermeture temporaire forcée de l’établissement dans les prochains jours. Parmi les biens dérobés figurent notamment 10 000 euros d’argent liquide ainsi que plusieurs tablettes et les deux terminaux de paiement électronique (TPE) – outils indispensables au fonctionnement quotidien de la structure et à son activité commerciale. Un manque à gagner conséquent pour un projet avant tout à vocation sociale. « Parce que c’est bien le côté social qui est attaqué ici », pointe d’ailleurs Caroline Mahieu, coordinatrice de la Recyclerie. « S’en prendre à un projet comme le nôtre, c’est d’abord s’attaquer à ses bénéficiaires. »

Un projet solidaire fragilisé

Et de fait, la Recyclerie de L’Ilot est bien plus qu’un magasin : c’est un projet d’économie sociale et solidaire. Son objectif est de donner une seconde vie aux divers objets et de les proposer à un public dans certains cas en situation de précarité financière, tout en créant des emplois durables pour des personnes éloignées du marché du travail. Chaque meuble réparé, chaque objet revalorisé, contribue non seulement à la réduction des déchets, mais aussi – et surtout – à la lutte contre l’exclusion sociale.

Fermée depuis ce lundi, la Recyclerie espère rouvrir en fin de semaine. Toute l’équipe est en tout cas à pied d’œuvre pour pouvoir relancer l’activité le plus rapidement possible.

Si dans cette période difficile vous désirez apporter votre soutien à la Recyclerie de L’Ilot, n’hésitez pas à faire un don à l’association : BE33 0017 2892 2946, avec en communication « Soutien à la Recyclerie ».

pauvreté Belgique et placement institutionnel
Pauvreté en Belgique : enfants placés pour cause de précarité 1024 576 L'Ilot

Pauvreté en Belgique : enfants placés pour cause de précarité

Visuel : ©OYO

Pauvreté en Belgique : enfants placés pour cause de précarité 

Sommaire :
  • Les chiffres de la pauvreté en Belgique  
    1. Quel est le seuil de pauvreté en Belgique ? 
    2. Un risque élevé de précarité  
    3. Le nombre de personnes sans abri en hausse 
  • Placement institutionnel et pauvreté : une injustice structurelle
    1. Le placement comme conséquence de la pauvreté 
    2. Les droits de l’enfant conditionnés par la pauvreté  
    3. Un échec du système 
  • Comment luttons-nous contre le placement pour cause de précarité ?   

C’est une réalité dont on parle peu, mais qui fracture des vies entières dans l’indifférence : en Belgique, des enfants sont placés parce que leurs mères sont pauvres. À Bruxelles, 87 % des familles monoparentales sont portées par des femmes, dont un quart vit sous le seuil de pauvreté [1]. Beaucoup n’ont accès qu’à des logements précaires, insalubres, ou des logements aux loyers hors de portée. D’autres n’ont plus de chez-soi. 

Et trop souvent, dans ces situations, l’aide proposée par les institutions n’en est pas une : c’est une séparation, on place l’enfant. Officiellement “pour son bien” ; en réalité, parce que notre société ne leur propose rien d’autre qu’un abandon organisé [2]. La précarité ne devrait jamais être un motif de placement. Pourtant, elle l’est.  

À L’Ilot, nous le constatons tous les jours : les mères qui fréquentent notre centre de jour pour femmes Circé sont confrontées à ce risque. Leur seul “manquement” ? Être sans chez-soi. Il est plus qu’urgent d’agir pour construire une société qui donne aux parents les moyens de retrouver leur(s) enfant(s). 

Les chiffres de la pauvreté en Belgique  

En Belgique, les chiffres de 2024 dressent le portrait d’une situation sociale plus qu’inquiétante. La pauvreté est marquée et se mesure à plusieurs niveaux. 

Quel est le seuil de pauvreté en Belgique ? 

Le seuil de pauvreté désigne un revenu minimal (fixé à 60 % du revenu médian national), en dessous duquel un ménage est considéré comme pauvre. En Belgique, les derniers chiffres de Statbel montrent que le seuil de pauvreté s’élève à 1 520 € par mois pour une personne isolée, et à 3 191 € pour un ménage avec deux enfants. 

seuil de pauvreté Belgique

Le seuil de pauvreté selon le type de ménage en Belgique (source : Statbel)

Un risque élevé de précarité  

D’après une étude de Statbel, plus de 2 millions de personnes courent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en Belgique. Soit près de 20 % de la population. Près d’un∙e Belge sur dix se trouve en situation de privation matérielle et sociale (Statbel), ne disposant donc pas des ressources suffisantes pour assumer certaines dépenses essentielles de la vie quotidienne (chauffage, accès aux loisirs, etc.). 

Le nombre de personnes sans abri en hausse 

Les chiffres du dernier dénombrement des personnes sans abri ou mal-logées à Bruxelles sont alarmants: 9 777 d’entre eux∙elles vivent sans chez-soi dans la capitale belge (rapport de Bruss’help). Soit une augmentation de 25 % en seulement 2 ans! Une telle expansion du phénomène n’avait jamais été connue jusqu’à ce jour. 

Placement institutionnel et pauvreté : une injustice structurelle  

En Belgique francophone, près de 40 000 enfants sont éloigné·es chaque année de leur famille : placé·es en institution, en famille d’accueil ou dans des services spécialisés [3]. Si certaines situations exigent une protection urgente, un nombre croissant de placements est motivé par la précarité, notamment l’absence de logement stable. 

Le placement comme conséquence de la pauvreté 

Des mères seules, en situation de grande précarité, se voient retirer leur enfant non pas parce qu’elles sont défaillantes, mais parce qu’elles n’ont pas de chez-soi. Le marché locatif privé est inaccessible pour une maman solo émargeant au CPAS où avec un petit revenu. Et attendre un logement social peut prendre des années [4]. Faute de solution intermédiaire, le placement devient une réponse par défaut. 

« L’accueil en dehors du milieu familial peut être nécessaire, mais il ne doit jamais être une réponse à la misère. Or, les enfants vivant dans des familles pauvres sont surreprésentés dans les séparations. C’est une injustice structurelle. » 

  Benoît Van Keirsbilck, Directeur du Service droit des jeunes de Bruxelles 

Lorsqu’une mère seule perd la garde de son enfant parce qu’elle n’a pas de logement stable, c’est une double injustice : pour elle-même comme pour l’enfant. Car le placement ne marque pas la fin d’un épisode difficile, il en ouvre souvent un autre, plus long, plus complexe et plus douloureux. Et quand un·e premier·e enfant a été éloigné·e, la suspicion s’installe. Le regard des institutions devient plus lourd, le risque de placement d’un·e autre enfant s’accroît, même sans événement déclencheur.  

Dans cette spirale, ce n’est pas la violence qui condamne les mères. Ce n’est pas la négligence. C’est la pauvreté, l’isolement, l’instabilité résidentielle. Et ce sont précisément les femmes les plus vulnérables qui se retrouvent confrontées à cette mécanique implacable. 

« L’erreur, c’est de ne pas avoir d’appartement. »  

Isabelle, mère seule, citée par Alter Échos [5] 

Les droits de l’enfant conditionnés par la pauvreté  

La Convention internationale des droits de l’enfant garantit à chaque enfant le droit de vivre dans sa famille, sauf en cas de danger grave [6]. Et la Cour européenne des droits de l’homme l’a rappelé à plusieurs reprises : la pauvreté ne peut, à elle seule, justifier une séparation familiale [7]. 

Pourtant, dans les faits, les enfants de familles pauvres — en particulier celles et ceux de mères seules — sont surreprésenté·es dans les placements. Loin de les soutenir, le système fragilise davantage ces femmes, et interprète leur vulnérabilité comme une incapacité parentale [8]. 

« Être une femme sans abri ou mal-logée, c’est déjà être jugée ‘mauvaise mère’ par défaut. »  

AGORA, Précieux enfants, 2020 [9] 

Un échec du système  

À Bruxelles, 87 % des familles monoparentales sont dirigées par des femmes, dont un quart vit sous le seuil de pauvreté [10]. Elles cumulent les fragilités (rupture familiale, emploi instable, violences passées, non-recours au droit, etc.), mais sont les premières pénalisées, les dernières soutenues. Le système social, en théorie protecteur, punit leur pauvreté au lieu de la combattre.  

Selon AGORA, Vie Féminine et la Ligue des droits humains, les mères précaires font l’objet d’une stigmatisation récurrente, renforcée par des jugements subjectifs liés au genre, à l’origine sociale ou culturelle [11]. Les mères seules sont ainsi discriminées dans les décisions de placement.  

« Une mère dort avec son enfant ? C’est jugé anormal. Elle ne pleure pas ? Elle est froide. Elle pleure trop ? Elle est instable. Tout devient suspect. »  

Service AGORA, Précieux enfants, 2020

 Les mères qui demandent de l’aide sont souvent celles qui entrent dans le viseur des services sociaux. Parce qu’elles sont visibles, parce qu’elles craquent, parce qu’elles maîtrisent mal la langue ou peinent à expliquer leur situation. Leur vulnérabilité devient soupçonnée, scrutée, sanctionnée. 

De nombreuses mères témoignent d’un effet de spirale : la perte d’un logement entraîne le placement d’un·e enfant, puis d’un·e second·e. Les institutions développent une logique de suspicion durable. La demande d’aide, les larmes, le repli, les erreurs d’expression ou de gestion deviennent des signaux “d’alerte”. 

Une question se pose : pourquoi n’y a-t-il pas plus de logements publics pour les mères précaires ? La Belgique ne consacre que 6,7 % de son parc immobilier au logement social, contre 16 % en moyenne dans l’Union européenne [12]. À cette carence s’ajoute le fait que les femmes seules avec enfants ne sont pas toujours prioritaires, malgré leur extrême vulnérabilité. 

Trouver un logement avec un revenu compris entre 1 300 € et 1 700 € (minima sociaux en tant que personne isolée ou avec des enfants à charge) relève de l’impossible, a fortiori à Bruxelles. Les listes d’attente pour un logement social s’allongent d’année en année, et le manque de places en maison d’accueil pour femmes en difficulté est criant. Mais dans les décisions judiciaires, le manque de logements est souvent présenté comme un motif objectif de placement. 

Être pauvre ne devrait jamais suffire à justifier une séparation. Car ce n’est pas seulement une mère qu’on éloigne : c’est un·e enfant qu’on arrache à son quotidien, à sa fratrie, à son quartier, à son école, à ses amis… Un·e enfant qui, souvent, ne comprend pas. Qui se sent puni·e, abandonné·e, trahi·e. 

Comment L’Ilot lutte contre le placement pour cause de précarité ?  

Quand la pauvreté devient un motif de séparation, ce n’est plus de la protection. C’est une injustice. Quand elle empêche une famille de se reconstruire, c’est une faillite collective. 

Nous ne participerons pas à une société qui arrache les enfants à la misère pour mieux la perpétuer. Nous nous battrons pour une société qui donne aux parents les moyens de retrouver leur(s) enfant(s). 

À L’Ilot, nous savons qu’un logement peut faire la différence entre une rupture et une reconstruction. Nous savons que des centaines de mères accompagnées à Circé ou dans nos autres services d’accueil ou d’hébergement cherchent à renouer avec leurs enfants. Nous savons que nos maisons d’accueil, nos ateliers “café parents”, nos activités mères-enfants, etc. restaurent des liens fragiles, mais vivants. 

Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi nous travaillons et plaidons pour :  

  • l’élaboration d’un centre d’expertise « Genre, précarité et travail social », afin de mieux comprendre les réalités des femmes les plus précarisées et de former les professionnel·les des secteurs du social à ces enjeux spécifiques ; 
  • la création de logements accessibles à loyers modérés, pensés pour des familles fragilisées, notamment produits par L’Ilot avec ses partenaires ;
  • la transformation des espaces communs de nos maisons d’accueil en studios individuels, plus respectueux de l’autonomie et du lien familial ;
  • le renforcement de la priorité claire au logement pour les mères seules, afin d’éviter des placements injustes ; 
  • la fin des politiques qui punissent les femmes pauvres au lieu de les soutenir.

Être victime ne devrait jamais être une faute. 

Sources et ressources  

  • [1] Ligue des familles, Recherche-action sur les attentes et les besoins des familles monoparentales, 2022
  • [2] Axelle Magazine, Placements abusifs d’enfants : pour leur bien ? – 2022 
  • [3] Défense des Enfants International – Belgique, Entretien avec Benoît Van Keirsbilck, 2022 (voir aussi notre interview) 
  • [4] Baromètre des loyers, Région de Bruxelles-Capitale, 2024 
  • [5] Alter Échos, Maman et bébé sans domicile fixe, 2023 
  • [6] Convention internationale des droits de l’enfant, ONU, art. 9 
  • [7] Convention internationale des droits de l’enfant, ONU, art. 9 ; Cour européenne des droits de l’homme 
  • [8] Ligue des droits humains, Le placement – chronique d’une séparation annoncée, 2023
  • [9] Service AGORA / Lutte contre la pauvreté, Précieux enfants, 2020 
  • [10] Ligue des familles, Recherche-action sur les attentes et les besoins des familles monoparentales, 2022 
  • [11] AGORA, Précieux enfants, 2020 ; Vie Féminine, Aide à la jeunesse aveugle aux violences faites aux femmes, 2023 ; LDH, Le placement, 2023 
  • [12] Housing Europe, The State of Housing in the EU 2023 
emotionele steunhond voor daklozen
Le chien, soutien émotionnel vital pour les personnes sans abri 1024 576 L'Ilot

Le chien, soutien émotionnel vital pour les personnes sans abri

Photo : ©Jevtic

Le chien, soutien émotionnel vital pour les personnes sans abri

Sommaire :
  • Le chien comme seul soutien émotionnel face à la vie en rue
    1. Un compagnon fidèle dans l’adversité
    2. Un soutien émotionnel face à la solitude
  • Le chien comme refuge pour les personnes sans abri
  • Des centres de jour à adapter pour accepter les chiens
  • Le projet innovant de L’Ilot pour accueillir les personnes sans abri avec leur chien

Selon une étude de l’université autonome de Barcelone, 67 % des personnes sans chez-soi ont un chien, et 74 % d’entre elles considèrent leur animal comme leur unique source de soutien social. Parmi les 9 777 personnes sans abri recensées à Bruxelles (chiffres du dernier dénombrement), beaucoup vivent avec un chien. Un animal de compagnie, véritable soutien émotionnel, qui représente souvent tout ce qui leur reste : un repère, une alarme, un réconfort…

Et pourtant, faute d’accueil adapté pour cet ami fidèle, beaucoup de personnes sans chez-soi renoncent aux services des centres de jour. Il est plus qu’urgent de penser autrement ces espaces afin de répondre aux besoins vitaux des femmes, des hommes et des enfants qui affrontent la rue. C’est pourquoi L’Ilot lance aujourd’hui un nouveau projet d’innovation sociale : adapter nos services de première ligne pour accueillir les personnes avec leurs chiens.

Le chien comme seul soutien émotionnel face à la vie en rue

Dans la rue, un lien vital subsiste encore parfois quand tout le reste s’est effondré. On parle ici de l’apport du chien comme soutien émotionnel pour les personnes sans abri. Ces femmes, hommes et enfants ont tout perdu et affrontent chaque jour la dure réalité de la vie sans chez-soi. Nous savons combien celle-ci détruit le corps, le moral, l’espoir…

Un compagnon fidèle dans l’adversité

Au milieu de toute cette violence, le chien est protecteur. Il devient un repère, un gardien contre la peur et l’abandon. Quand on n’a plus de toit, plus de sécurité, il reste cet être qui ne jugera jamais, qui restera à nos côtés, coûte que coûte. Pour beaucoup de personnes privées de logement, leur chien constitue leur seule famille.

Un soutien émotionnel face à la solitude

Dans un monde de solitude, les animaux de compagnie sont une source d’affection et de valorisation face au rejet de la société. Le chien reste un ami fidèle, il aide à tenir debout quand tout vacille. Il apporte un réconfort émotionnel constant, agit comme un rempart contre le stress et la solitude extrême. Selon la revue Harvard Health Publishing, la présence d’un animal de compagnie diminue en effet la tension artérielle ainsi que le cortisol (hormone du stress) et stimule l’ocytocine (hormone du bien-être).

Le chien comme refuge pour les personnes sans abri

La survie en rue est une lutte quotidienne. Face aux dangers, le chien représente un véritable refuge. Il permet de dormir quelques heures, sans craindre une agression ou un vol, se reposer en évitant un cauchemar de plus. Le manque de sommeil détruit. Dormir permet aux personnes sans abri de tenir, survivre une journée de plus. Et pour cela, beaucoup ne peuvent compter que sur leur chien.

« Avant, je ne dormais jamais. Je craignais trop qu’on m’agresse ou qu’on me vole. J’étais toujours sur mes gardes, épuisé, à bout de force. Je n’avais plus envie de vivre. Depuis que j’ai recueilli Molly, je peux enfin fermer les yeux quelques heures. Sans elle, je ne serais sûrement déjà plus là. »

Patrick*, personne sans abri, et sa chienne Molly

Des centres de jour à adapter pour accepter les chiens

Le lien vital qui unit les publics vivant en rue et leur chien est constamment mis en péril. Très peu de centres de jour acceptent les chiens. Les conséquences sont dramatiques : trop de personnes sans chez-soi renoncent à leurs besoins vitaux faute d’accueil adapté pour leur chien. Elles ne peuvent donc pas accéder aux services d’accompagnement social, prendre un repas ou une douche :

« C’est dur… Je ne peux pas aller me réchauffer, prendre une douche ou manger un vrai repas à cause de mon chien. Et je ne peux pas la laisser dehors, j’ai trop peur qu’on me la prenne ou qu’il lui arrive quelque-chose. »

Patrick*

Ce choix, inhumain, L’Ilot ne peut plus le cautionner. Nous refusons que la présence d’un chien soit un obstacle à l’accès à nos services.

Le projet innovant de L’Ilot pour accueillir les personnes sans abri avec leur chien

Toute personne dans le besoin doit pouvoir être accueillie avec dignité, qu’elle soit seule ou accompagnée de son compagnon à quatre pattes. C’est pourquoi L’Ilot lance aujourd’hui un nouveau projet d’innovation sociale : adapter nos services de première ligne pour accueillir les personnes avec leurs chiens. Ce qui implique :

  • de former nos équipes à l’accueil canin ;
  • d’aménager des espaces adaptés à leurs besoins ;
  • de fournir des soins antiparasitaires gratuits ;
  • etc.

Protéger ce lien, c’est protéger une vie. Ce projet vital, nous le portons sans aucune subvention financière. Ce qui signifie que sans votre soutien, il ne verra jamais le jour ! Votre don peut changer des vies.

Personne ne devrait être contraint de choisir entre des soins de première nécessité et son animal de compagnie.

* Prénom d’emprunt. Patrick symbolise les centaines de personnes sans abri accompagnées par L’Ilot grâce à votre soutien.

bande dessinée sans-abrisme
Comic strip festival : notre BD sur le travail précaire en finale 1024 576 L'Ilot

Comic strip festival : notre BD sur le travail précaire en finale

Comic strip festival : notre bande dessinée sur le travail précaire en finale du prix Atomium 2025 

Sommaire :

  1. Le Comic Strip Festival 2025 : un événement incontournable
  • Un festival BD unique en Belgique  
  • Informations pratiques sur le Comic Strip Festival 2025 

2. Une bande dessinée sur le travail précaire en finale du Comic Strip Festival 2025

  • Pourquoi le Prix Atomium de la bande dessinée citoyenne est-il important ?  
  • « Un petit expresso sans sucre » : une bande dessinée engagée sur le travail précaire

Du 26 au 28 septembre 2025, le Comic Strip Festival transformera la Gare Maritime de Tour & Taxis en véritable temple de la bande dessinée. C’est dans ce cadre exceptionnel que sera décerné le Prix Atomium de la BD citoyenne, récompensant les œuvres qui osent aborder les défis de notre époque avec justesse et humanité. 

Cette année, la bande dessinée « Un petit expresso sans sucre » de L’Ilot figure parmi les 15 finalistes de cette prestigieuse distinction. Une belle reconnaissance pour le travail de notre association, mais surtout un coup de projecteur essentiel sur la réalité des travailleur·euses précaires sans abri en Belgique.  

Le Comic Strip Festival 2025 : un événement incontournable

Un festival BD unique en Belgique  

Depuis sa création, le Comic Strip Festival est devenu un rendez-vous majeur pour les amateur·ices de bande dessinée en Belgique et au-delà. Il offre une plateforme unique pour découvrir de nouveaux talents, célébrer des œuvres emblématiques et discuter des enjeux contemporains à travers le prisme de la BD. L’introduction du Prix Atomium en 2017 a renforcé l’engagement du festival envers la reconnaissance de la diversité et de la vitalité du neuvième art.  

Informations pratiques sur le Comic Strip Festival 2025

Le Comic Strip Festival se déroulera du 26 au 28 septembre 2025 à la Gare Maritime de Tour & Taxis (Bruxelles). L’évènement est gratuit. Au programme : expositions, ateliers, rencontres, dédicaces, projections et animations pour tous les âges.   

Une bande dessinée sur le travail précaire en finale du Comic Strip Festival 2025

Pourquoi le Prix Atomium de la bande dessinée citoyenne est-il important ?

Décerné chaque année au Comic Strip Festival, le Prix Atomium de la BD citoyenne récompense un album qui suscite une réflexion éthique et sociétale, abordant de manière constructive des enjeux contemporains. Le prix soutient ainsi les artistes engagé·es qui utilisent la bande dessinée comme moyen d’expression pour des causes sociales importantes.  

La nomination de notre BD pour ce prix constitue donc un bel accomplissement pour le travail quotidien de L’Ilot… mais aussi un coup de projecteur essentiel sur les souffrances invisibles liées au travail précaire. Une situation dramatique que l’instabilité des contrats (intérim, CDD, flexijobs, etc.) ne fait que favoriser, en touchant d’ailleurs davantage les femmes que les hommes.La précarité dans l’emploi recouvre une dimension de genre : les emplois à temps partiel ou encore les contrats à durée déterminée concernent plus particulièrement le sexe féminin. 

« Aujourdʼhui, nous vivons dans une société où des personnes perçoivent des pensions de 6 000 euros tandis que dʼautres, souvent des femmes, doivent se contenter de moins de 800 euros par mois. Cʼest indéfendable. » 

Philippe Defeyt, économiste et ancien président du CPAS de Namur

« Un petit expresso sans sucre » : une bande dessinée engagée sur le travail précaire

Réalisée par L’Ilot en collaboration avec Abdel de Bruxelles et Alexandre de Moté, «Un petit expresso sans sucre» met en lumière les réalités des travailleur·euses précaires sans abri en Belgique. On plonge dans l’histoire de Steph’, un indépendant ruiné qui tente de cacher à ses proches qu’il vit dans sa camionnette.  

bande dessinée précarité sans abri

La trame reflète ainsi les situations réelles que traversent des milliers de personnes sans chez-soi accompagnées par L’Ilot : insécurité de l’emploi, perte d’un logement, érosion progressive des droits… Les équipes de nos maisons d’accueil le constatent chaque jour : le nombre de personnes qui ont un revenu mais ne sont pas en mesure d’assumer un loyer ne cesse d’augmenter. Les témoignages de femmes et d’hommes sans abri ne manquent pas.  

« Les propriétaires demandent parfois jusqu’à trois mois de loyer en avance. C’est impossible pour moi. Même avec un salaire régulier… » 

Nadine*

* Prénom d’emprunt. Nadine symbolise les milliers de travailleur·euses précaires sans abri qu’accompagne L’Ilot. 

pension Belgique : précarité personnes âgées
Pension en Belgique : la précarité des personnes âgées 1024 576 L'Ilot

Pension en Belgique : la précarité des personnes âgées

Pension en Belgique : plus de précarité pour les personnes âgées

Sommaire :

  • Un système de pension qui aggrave la précarité des personnes âgées
  • Vieillir dans la précarité : un phénomène en forte croissance
  • La pension, réel rempart contre la précarité des personnes âgées ?
  • Comment aider une personne âgée en situation de précarité ?
  • Sources 

Récemment amené par le gouvernement Arizona, l’accord de Pâques inclut une série de mesures qui touchent en profondeur le système sensible des pensions. De quoi nourrir l’inquiétude quand on sait que les prévisions de Statbel annoncent un vieillissement de la population belge dans les prochaines années.  

Déjà bien présente, la précarité des personnes âgées risque ainsi de s’aggraver de façon drastique. Une question se pose : vieillir demain en Belgique sera-t-il synonyme d’exclusion sociale ? 

Un système de pension qui aggrave la précarité des personnes âgées 

Afin d’inciter les Belges à prolonger leur carrière, le gouvernement a inscrit dans l’accord de Pâques un mécanisme de malus pension. Si vous souhaitez prendre votre retraite avant l’âge légal de 66 ans (67 ans en 2030), vous devrez ainsi subir une pénalité financière. La conséquence ? Les senior·es devront subvenir à leurs besoins durant une période allongée, alors même que beaucoup peinent à conserver un emploi ou à en retrouver un après 55 ans.  

Pour bénéficier du nouveau bonus-pension, vous serez obligé·e de travailler au-delà de l’âge légal de la retraite. Chaque année prestée augmentera alors un peu plus (2 %, 4 % ou 5 %) votre pension.  

Mais ce n’est pas tout. La limitation des allocations de chômage à 2 ans (dès 2026) charrie avec elle son lot d’inquiétudes. Pour être épargné·es par cette mesure, les 55 ans et plus devront prouver 30 ans de carrière (35 à partir de 2030). Le risque ? Une exclusion massive des chômeur·euses de cette catégorie d’âge… et un basculement dans la précarité pour les personnes âgées. 

Vieillir dans la précarité : un phénomène en forte croissance 

D’après une étude de Statbel, près de 20 % de la population belge courait déjà un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2024. Soit plus de 2 millions de personnes.   

On constate également que près de 18 % des 65 ans et plus étaient considéré·es comme « à risque de pauvreté », contre 13 % de la population globale. Autrement dit, les personnes âgées courent en Belgique un risque de pauvreté plus élevé que les autres. Le Bureau fédéral du Plan tire même la sonnette d’alarme : si aucune politique ne change la donne, cette situation préoccupante se dégradera dès le milieu des années 2050. 

Il est donc essentiel d’agir aujourd’hui, d’autant plus que le nombre de senior·es en Belgique explosera à l’avenir en raison d’un vieillissement démographique. D’après les projections de Statbel, le nombre de personnes âgées augmentera ainsi sensiblement dans les prochaines années.  

Si, en 2024, on comptait 28 personnes de 67 ans et plus pour 100 personnes de 18 à 66 ans, on en dénombrera 37 en 2040 et 43 en 2070. De quoi confirmer la thèse d’un vieillissement de la population.  

vieillissement démographique Belgique : précarité seniors

Proportion de personnes âgées de 67 ans et plus par rapport à la population en âge de travailler (source : Bureau fédéral du Plan

D’après les prévisions, l’espérance de vie moyenne augmentera pour atteindre, en 2070, 89,8 ans pour les femmes et 88,1 ans pour les hommes. Cette évolution génère ainsi des pressions sur le système de pension. D’ici 2040, on comptera un million de Belges de plus de 80 ans ! De nouvelles solutions doivent donc être trouvées pour garantir un équilibre économique. 

L’allongement de la durée de vie nécessite également une réflexion de fond quant aux structures d’accueil ou aux soins à domicile pour les personnes âgées. 

vieillissement démographique : pauvreté personnes âgées

L’évolution de l’espérance de vie à la naissance en Belgique (source : Statbel) 

La pension, réel rempart contre la précarité des personnes âgées ?  

Pour beaucoup de senior·es, la pension ne suffit déjà plus à couvrir un loyer, des soins médicaux ou même une alimentation décente. Il faut dire que le vieillissement à domicile coûte autour de 1 200 euros mensuels, sans compter les charges (loyer, énergie, nourriture, etc.). Avec un coût moyen de 2 084 € par mois, la maison de repos constitue dans ce paysage peu enviable un luxe inaccessible pour la plupart.  

Un·e senior·e sur quatre vit sous le seuil de pauvreté à Bruxelles. Quand il n’y a plus de toit, de proches ou de solutions, la rue devient la seule issue. Aucune alternative n’est proposée à celles et ceux dont la pension est trop faible. En Belgique, près de 5 000 personnes âgées vivent sans chez-soi. Quand on perd son logement, il ne reste que la solitude, l’invisibilité, le silence et la violence… 

 Dans ce contexte déjà compliqué, les mesures actuelles du gouvernement Arizona ne feront qu’exposer encore davantage nos aîné·es au risque du sans-abrisme.  

Comment aider une personne âgée en situation de précarité ? 

Chaque jour, L’Ilot lutte contre la précarité des personnes âgées avec des moyens adaptés.  

  • Nos Centres de jour (tels que Circé) offrent un répit essentiel : un repas chaud, une douche, une écoute bienveillante ou encore un accompagnement social.  
  • Nos Maisons d’accueil proposent plus qu’un toit : un lit, des soins, mais surtout un soutien psychosocial sur mesure pour retrouver un logement durable. 
  • Nos Cuisines et notre Recyclerie forment à l’emploi.  

Grâce à ces services d’accompagnement, nous permettons à des senior·es épuisé·es par la vie en rue de se reconstruire et de retrouver une place digne dans la société.  

 “L’Ilot m’a soutenu de tous points de vue. D’abord, avec un toit pour dormir. Ensuite, en m’aidant à régler mes problèmes de pension et à remettre ma mutuelle en ordre. Enfin, ils m’ont permis d’ouvrir un compte en banque car j’ai pu prendre mon adresse officielle dans la Maison d’accueil.” 

Jean-Pierre, usager de L’Ilot 

 À 68, 72 ou 79 ans, personne ne devrait dormir dehors. Grâce à votre don, nous redonnons un peu de chaleur, de sécurité et d’espoir à celles et ceux qui n’ont plus rien… hormis le poids des années. Face à cette injustice silencieuse, votre soutien peut tout changer. 

Vous pouvez devenir acteur·ice du changement. 

travail précaire
Kart #9 Temps plein, poches vides | Des fins de mois impossibles malgré un emploi : témoignages 1024 576 L'Ilot

Kart #9 Temps plein, poches vides | Des fins de mois impossibles malgré un emploi : témoignages

En Belgique, de plus en plus de travailleurs peinent à boucler leurs fins de mois, malgré un emploi à temps plein. Pour beaucoup, les salaires ne suivent pas l’augmentation constante des loyers. Suite à la sortie de notre nouvelle publication sur les travailleurs et travailleuses précaires, nous avons récolté plusieurs témoignages autour de nous, que ce soit à L’Ilot ou dans notre entourage, concernant la thématique du travail précaire. Tous et toutes témoignent d’un même constat : travailler ne suffit plus pour vivre décemment.

Sylvia*, 36 ans, travailleuse sociale

« On m’a souvent parlé de la règle des 30%. Une règle selon laquelle le loyer d’un appartement ne doit pas dépasser 30% des revenus d’un ménage. Je suis travailleuse sociale, mon conjoint travaille à temps plein lui aussi. Nous avons cherché pendant deux ans à nous loger à Bruxelles en tenant compte de cet adage des 30%. Force est de constater que c’est devenu impossible. Aujourd’hui pour se loger, il faut se mettre en danger financièrement. »

Zakaria*, 51 ans, père de 3 enfants

« C’est devenu impossible en 2024 de vivre convenablement de ses revenus. Avant mes quelques économies me permettaient parfois de partir en vacances, de faire l’un ou l’autre cadeau à mes enfants ou à mes proches. Aujourd’hui, elles m’autorisent tout juste à régler mes factures et à faire face à l’un ou l’autre imprévus. Je suis en permanence sur la corde. »

Blandine*, 24 ans, jeune travailleuse

« J’ai 24 ans, je travaille à plein temps, mais ça ne change rien : avec les garanties locatives de plus en plus élevées, aucun propriétaire ne veut de moi, même avec un emploi à plein temps. Les propriétaires demandent des montants incroyables, parfois jusqu’à trois mois de loyer en avance, juste pour accepter de me louer un appartement. C’est impossible pour moi, même avec un salaire régulier. J’essaie de montrer que je suis sérieuse, que je travaille et que je peux payer, mais c’est jamais suffisant pour eux. Je me retrouve à rester chez des amis ou à chercher des logements précaires parce que je ne peux jamais réunir ces garanties exorbitantes. C’est vraiment décourageant de se dire que, malgré mon travail, je ne peux même pas accéder à un logement stable. »

Jean-Pierre*, 70 ans, travailleur à la retraite

« J’ai pris ma retraite il y a trois ans, mais au lieu de me reposer, je dois continuer à travailler parce que ma pension ne couvre même pas le loyer. Je pensais pouvoir enfin souffler après une vie de boulot, mais entre les loyers qui explosent et les factures qui tombent chaque mois, je n’arrive pas à m’en sortir. C’est épuisant, je me demande souvent quand je pourrai vraiment profiter de ma retraite, ou si ce moment viendra un jour. »

Mariam*, 31 ans, travailleuse à plein temps

« Malgré mon salaire, le loyer engloutit plus de la moitié de ce que je gagne, et chaque mois, je me retrouve à devoir choisir entre payer mon loyer à temps ou me nourrir correctement. Même en travaillant à plein temps, j’ai l’impression que ce n’est jamais suffisant pour vivre décemment. Les factures s’accumulent, tout devient plus cher, mais mon salaire, lui, ne bouge pas. Ce n’est pas normal de travailler autant et de ne pas pouvoir boucler ses fins de mois. On bosse dur, mais on survit à peine. »

Moussa*, 19 ans, personne sans papiers

« Sans papiers, je galère déjà à trouver du travail, mais quand j’en trouve, c’est souvent pour des salaires de misère parce que certains abusent de ma situation. À la fin du mois, impossible de payer mon loyer correctement. Et en plus, je fais face au racisme : les propriétaires et les employeurs me ferment la porte juste à cause de mes origines. J’ai l’impression d’être coincé dans une double précarité, celle de ne pas avoir de papiers et celle d’être jugé sur qui je suis. »

Et vous ? Comment faites-vous face à cette situation ? Est-ce que votre travail vous permet de vivre de vos revenus ? Quel est le % de votre salaire que vous mettez dans votre loyer ? Est-ce que vous connaissez des personnes qui vivent la même situation ? Envoyez-nous votre témoignage en 4-5 lignes à presse@ilot.be. Nous en repartagerons certains d’entre eux de manière anonymisée sur notre page Instagram. Merci d’avance à tous et à toutes pour votre participation !

*prénom d’emprunt.

Kart #9 Temps plein, poches vides | Témoignages 1024 576 L'Ilot

Kart #9 Temps plein, poches vides | Témoignages

Extrait de la bande dessinée avec Abdel de Bruxelles « Un petit expresso sans sucre » qui retrace le parcours de Steph’, un indépendant qui n’arrive plus, malgré son travail, à s’en sortir financièrement.

Des « costumes-cravate » sans chez-soi : la réalité de l’accueil des travailleuses et travailleurs précaires parmi nos publics n’est pas neuve. Équipe sociale et résident·es de nos maisons d’accueil témoignent.

« La tendance est à la hausse »

C’est ce que confirme Alexandra Todeanca, coordinatrice de la Maison d’accueil pour hommes de L’Ilot à Bruxelles. « De plus en plus, nous devons adapter notre accueil à celui de personnes dont le quotidien est de se lever pour aller travailler. Ce n’est évidemment pas la même dynamique d’accompagnement social. »

Des résidents et résidentes qui, bien qu’ayant un emploi, ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins essentiels, notamment en matière de logement. Face à la hausse des loyers et à l’insuffisance des revenus, ils et elles se retrouvent dans nos Maisons d’accueil, en dépit de leur activité professionnelle. L’Ilot oeuvre activement pour apporter des solutions structurelles, en plaidant pour une meilleure protection sociale et un accès au logement décent pour toutes et tous ; et, ainsi, freiner l’engrenage infernal dans lequel les personnes vivant en rue tombent irrémédiablement, qu’elles soient travailleuses ou non.

« Aujourd’hui, mon travail ne me protège pas »

Sayli a 29 ans et avait, jusqu’il y a peu, toujours « connu les semaines pleines ». D’abord en salle puis en cuisine, comme « chef » et toujours dans « de grands restaurants ». Le genre de lieu « dans lequel on ne chôme pas ». Des journées de douze heures, six jours par semaine, Sayli connait. D’Atlanta à La Havane en repassant régulièrement par Bruxelles, Sayli mènera pendant des années une vie de backpacker en toque. Pour ses proches, il mène surtout « la grande vie » à l’autre bout du monde. Pour lui, il « se décarcasse pour vivre de sa passion ».

Il paie ses loyers par tranches, enchaîne les heures supplémentaires et les sacrifices qui vont avec. Les dérives aussi : alcool et dépendances le mèneront à un retour précipité en Belgique. Ses proches « tombent de haut ». Lui, fait profil bas. « Avant, pour eux, j’avais l’argent, la voiture, les costumes. Mais c’était plus une façade que le vrai moi. Qui devient riche grâce à son travail ? Eux pensaient que j’avais trouvé ma voie, moi j’étais conscient d’être en train de ruiner ma vie. » S’en suivront neuf jours en rue, ses premiers sans travailler depuis treize ans. Aux nuits dans le métro se succèdent les journées d’errance.

Un appel avec sa sœur lui fera connaitre L’Ilot et sa Maison d’accueil pour hommes, « Le 38 », qu’il intègre en juin dernier. Quelques jours plus tard, revigoré, Sayli trouvera un travail « en deux heures, mais dans un Carrefour Express ». Un temps plein, mais pas franchement le boulot de ses rêves pour celui qui entame en parallèle des études pour devenir éducateur spécialisé. Sayli ne perd pas la face mais ne veut pas que sa situation soit connue de ses collègues. « Ce serait trop louche. » Alors, « pour eux », il est « le bon samaritain toujours bien sapé » qui va porter les invendus du jour « aux SDF ». Pour ses nouveaux colocataires de L’Ilot, il est le travailleur qui ramène des petits plats préparés en fin de journée. Une double vie que Sayli accepte de mener de front, sans sourciller. « Aujourd’hui mon travail ne me protège pas, pour ça il y a L’Ilot, mais je me dis que c’est une étape vers le retour à l’autonomie. »

bd travail précaire
Kart #9 Temps plein, poches vides | Entretien avec Philippe Defeyt 1024 576 L'Ilot

Kart #9 Temps plein, poches vides | Entretien avec Philippe Defeyt

Extrait de la bande dessinée avec Abdel de Bruxelles « Un petit expresso sans sucre » qui retrace le parcours de Steph’, un indépendant qui n’arrive plus, malgré son travail, à s’en sortir financièrement.

Économiste et ancien président du CPAS de Namur, Philippe Defeyt pose un regard critique sur la précarité grandissante des travailleurs et travailleuses en Belgique. Face à un système inadapté aux nouvelles réalités du travail, il questionne les outils actuels de mesure de la pauvreté et propose des réformes structurelles.

La pertinence relative des indicateurs de pauvreté

Pour Philippe Defeyt, il est indispensable de revoir la manière dont nous mesurons la pauvreté. « Le taux de pauvreté tel quʼon le calcule aujourdʼhui, à partir du revenu médian, ne reflète pas la réalité vécue par beaucoup de personnes. On peut très bien ne plus être pauvre selon les statistiques mais rester dans des conditions de vie précaires ou à lʼinverse être pauvre selon lʼindicateur mais bénéficier dʼaides matérielles multiples (logement social, déplacements gratuits, tarif social gaz, etc.) qui, de fait, protègent de la pauvreté. »

L’indicateur de pauvreté ignore des éléments comme le surendettement ou les coûts liés à la santé, qui affectent pourtant directement le niveau de vie. Philippe Defeyt plaide pour des indicateurs prenant en compte les dépenses réelles nécessaires pour mener une vie digne. « En Wallonie, si demain toutes les personnes en situation de pauvreté accèdent à des logements sociaux, voient leurs dettes effacées et reçoivent des repas gratuits, le taux de pauvreté tel qu’il est mesuré aujourd’hui resterait inchangé, car il ne se base que sur le revenu ! »

Il évoque également l’évolution des définitions de la pauvreté, qui restent des choix politiques ancrés dans leur époque : « Quand lʼEurope a décidé quʼune personne était considérée comme pauvre quand elle nʼatteignait pas 60 % du revenu médian – alors que la norme jusque-là était en Belgique de 50 % du revenu moyen -, le taux de pauvreté a presque doublé dans notre pays, passant de 7 % à 15 % ! Ce quʼil faut aujourdʼhui, ce sont des indicateurs qui reflètent le niveau de vie réel, et pas seulement les revenus. » 

Les travailleurs et travailleuses pauvres et le risque de sans-abrisme

Sur la question des travailleurs et travailleuses précaires, Philippe Defeyt met en garde contre les amalgames. « Dire quʼun travailleur est pauvre simplement parce quʼil a un salaire bas brouille les cartes. Ce qui compte, cʼest le ménage dans lequel il vit : le même salaire si vous êtes isolé ou si vous avez trois personnes à charge ce nʼest pas la même chose. »

L’instabilité des contrats (intérim, CDD, flexijobs) expose des travailleurs et des travailleuses à un risque accru de précarité. « Plus les revenus sont fractionnés, plus le risque de devenir un ou une travailleuse pauvre est élevé. Et si ces personnes perdent leur emploi, elles risquent de ne jamais atteindre les quotas nécessaires pour ouvrir leurs droits au chômage. La législation nʼest tout simplement pas adaptée à leur situation. »

Sans oublier que la précarité dans l’emploi a aussi une dimension de genre : les emplois à temps partiel, les contrats à durée déterminée, concernent davantage les femmes que les hommes. « Aujourdʼhui, nous vivons dans une société où des personnes perçoivent des pensions de 6 000 euros tandis que dʼautres, souvent des femmes, doivent se contenter de moins de 800 euros par mois. Cʼest indéfendable. »

Philippe Defeyt s’inquiète également de l’augmentation du sans-abrisme, particulièrement à Bruxelles. « La situation est en train d’empirer, et ce nʼest pas uniquement dû aux sans-papiers. Même en les excluant des chiffres, le nombre de personnes sans abri augmente. Et derrière cette réalité, il y a souvent des parcours de vie marqués par des problèmes de santé mentale qui aggravent leur précarité. » Il rappelle que pour certaines personnes, des programmes comme « Housing First » (qui proposent un logement stable avant tout autre accompagnement) fonctionnent bien, mais que ce n’est pas une solution universelle, insistant sur l’importance de la recons-truction d’un réseau social autour de la personne (ndlr : comme le fait S.Ac.A.Do., le service d’accompagnement à domicile de L’Ilot).

bd travail précaire
Kart #9 Temps plein, poches vides | Éditorial 1024 576 L'Ilot

Kart #9 Temps plein, poches vides | Éditorial

Extrait de la bande dessinée avec Abdel de Bruxelles « Un petit expresso sans sucre » qui retrace le parcours de Steph’, un indépendant qui n’arrive plus, malgré son travail, à s’en sortir financièrement.

Les crises successives – financière, économique, sanitaire, sociale – ont fragilisé notre société, frappant durement les travailleuses et travailleurs précaires. Notre association, active contre le sans-abrisme, en témoigne quotidiennement : des milliers de personnes font face à l’insécurité de l’emploi, à la perte de logement et à une érosion progressive de leurs droits.

Un peu partout dans le monde, l’extrême-droitisation des débats politiques a notamment pour conséquence de marginaliser les personnes les plus fragiles. En Belgique, la récente modification du paysage politique annonce des réformes qui semblent privilégier la flexibilité du travail au détriment de la sécurité. Dans un climat d’installation de nouveaux gouvernements à différents niveaux de pouvoir, il est crucial de remettre les droits des travailleurs et travailleuses précaires au centre du débat.

À L’Ilot, nous refusons de traiter uniquement les symptômes de la précarité. Nous offrons un accompagnement global, avec l’objectif que les personnes puissent retrouver une stabilité professionnelle et une autonomie durable. Collaborant au quotidien avec les autorités politiques et publiques, nous plaidons pour des réformes politiques ambitieuses, ciblant le logement abordable, l’automatisation des droits, la sécurisation de l’emploi, l’individualisation des droits sociaux ou encore l’accès aux services de santé mentale.

Notre pays, nos régions, doivent devenir des territoires de solidarité, où chaque travailleur ou travailleuse pourra retrouver dignité et espoir. C’est dans cet esprit que nous collaborons avec Abdel de Bruxelles, auteur de BD engagé, qui a à coeur de mettre en lumière les souffrances liées au travail précaire. Son oeuvre, dont vous pourrez
admirer les prémisses dans ces pages, sera bientôt disponible via tous nos canaux de communication.

Bonne lecture !

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot

travailleurs précaires
Temps plein, poches vides : quand le travail ne protège plus de la précarité 1024 576 L'Ilot

Temps plein, poches vides : quand le travail ne protège plus de la précarité

Un loyer qui augmente, des prix qui ne cessent de s’enflammer, un marché de l’emploi qui favorise l’ère de l’ubérisation maximale (dans laquelle les personnes engagées sont forcées de passer sous le régime indépendant, sans plus aucune sécurité). Voici le dangereux mélange qui nous menace toutes et tous, qui pourrait tout nous faire perdre ! En 2024, plus de 2,1 millions de Belges courent un réel risque de pauvreté ou d’exclusion sociale [1].

Avec 1426 euros mensuels, le statut d’Emmanuel est devenu celui d’une personne vivant sous le seuil de pauvreté [2].  Loin d’être un cas isolé, de plus en plus de travailleuses et travailleurs arrivent chaque jour dans nos services n’ayant plus les moyens de se loger. Ces femmes et ces hommes, souvent invisibles aux yeux de la société, luttent quotidiennement pour joindre les deux bouts. Leur courage et leur ambition demeurent puissants et se voient parfois engloutis bien rapidement par une dynamique mortifère : une faillite, une maladie, une accumulation de factures, etc. Et la hausse des prix qui s’amuse sans vergogne à jouer avec ces vies.

Le travail ne protège plus de la pauvreté. Vos dons sont nécessaires et permettent à nos services d’accueil d’assurer un lieu de réconfort, un toit pour plusieurs mois, mais aussi un espace de travail et de rencontre pour que ces travailleuses et travailleurs sans abri puissent se reconstruire, retrouver l’estime de soi et restaurer leurs droits. Grâce à vous, l’Ilot propose un accompagnement au long cours pour permettre à chacun et chacune d’aller de l’avant, de retrouver confiance et d’envisager à nouveau une trajectoire de vie épanouissante.

La réalité est criante : l’indexation des salaires ne permet plus de compenser l’augmentation des prix et certains barèmes salariaux ne rencontrent plus le coût de la vie. Davantage de travailleurs et travailleuses basculent dans le champ de l’urgence sociale, de l’aide alimentaire ou encore de l’aide énergétique. La précarité des travailleurs et des travailleuses est un fléau silencieux.

Votre soutien est essentiel pour nous permettre de poursuivre efficacement nos missions d’accompagnement.

*Prénom d’emprunt. Nos témoignages sont reconstitués d’après plusieurs expériences de terrain pour ne pas mettre en péril l’anonymat de nos usagers et usagères.

[1] https://statbel.fgov.be/fr/themes/menages/pauvrete-et-conditions-de-vie/risque-de-pauvrete-ou-dexclusion-sociale#news

[2] En Belgique, le seuil de pauvreté s’élève à 1.450 € par mois pour une personne seule et à 3.045 € pour un ménage de deux adultes avec deux enfants.

Photo : ©Towfiqu Barbhuiya

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