« Si je n’étais pas à L’Ilot, je serais sûrement à la rue. Ou je serais peut-être mort. », Lucas*, 19 ans, résident à la Maison d’accueil de Marchienne-au-Pont et volontaire à la Recyclerie
Le 29 septembre 2022, nous inaugurions la quatrième Maison d’accueil de L’Ilot et la Recyclerie attenante situées au numéro 344 de la rue de Beaumont à Marchienne-au-Pont.
Après huit mois de fonctionnement, les retours sont enthousiasmants. En témoigne le récit inspirant de Lucas*. Ce jeune homme de 19 ans est hébergé dans notre Maison d’accueil depuis six mois. Il a accepté de partager son histoire.
Avant son arrivée à L’Ilot, Lucas dormait en rue : il faisait partie de ces jeunes en errance devenus de plus en plus nombreux à Bruxelles et en Wallonie.
« La plupart du temps, je m’asseyais contre un poteau, dans un lieu assez voyant près des appartements et des maisons. J’essayais de reposer mes muscles du mieux que je pouvais. La nuit, je faisais des micro-sommeils, je ne dormais jamais vraiment. Je restais toujours sur mes gardes. Et en journée, je marchais énormément pour éviter d’être pris pour cible. »
Dès l’âge de 12 ans, Lucas a été placé en institution. « J’ai fugué plusieurs fois. J’ai été dans des services résidentiels d’urgence (S.R.U.). La vie en rue c’était vraiment la galère. J’ai commencé à chercher un endroit où je serais plus tranquille et j’ai trouvé la Maison d’accueil de L’Ilot à Marchienne. »
Au sein de notre structure d’hébergement temporaire, Lucas peut se reconstruire, se stabiliser et faire le point sur sa situation (administrative, familiale, sanitaire, financière, etc.) avant d’envisager un projet d’avenir.
Une Maison d’accueil à taille humaine
Comme chacune des trois autres Maisons de L’Ilot, celle de Marchienne-au-Pont est un lieu à taille humaine et avec une capacité d’accueil volontairement limitée (actuellement 12 places) afin de préserver l’intimité et le bien-être de chacun.
Face au nombre sans cesse croissant de nouvelles demandes, nous aimerions porter la capacité d’accueil à 20 places, ce qui nécessitera des travaux de rénovation du bâtiment afin de garantir le même niveau d’intimité. Ce projet dépendra des financements et des soutiens que nous serons en capacité d’obtenir.
Pour l’heure, nous procédons à certains menus réaménagements de la Maison d’accueil pour qu’elle soit la plus agréable possible pour les résidents.
Lucas dispose désormais de sa propre chambre qu’il a personnalisée avec un poster affichant « Be happy » avec une banane en guise de « smile ».
Grâce à l’accompagnement psychosocial de notre équipe pluridisciplinaire, Lucas est retourné voir une psychologue pour l’aider à gérer ses troubles anxieux et son trouble déficitaire de l’attention (TDA). Un dépistage précoce de ces troubles et une intervention appropriée durant l’enfance lui auraient sans doute permis de réduire le risque de décrochage scolaire.
Car Lucas n’est pas allé au-delà de sa 3e année secondaire. À l’école, il a toujours été dépeint comme étant non compliant.
À son arrivée dans notre Maison d’accueil, il n’avait pas de projet et la simple évocation de son avenir lui procurait des angoisses.
C’est pour cette raison qu’au sein de nos structures d’hébergement temporaire, le travail social s’installe sur le temps long. Il faut permettre aux personnes hébergées de retrouver une stabilité avant d’envisager des solutions vers l’autonomie. Nos Maisons d’accueil proposent des hébergements de neuf mois, avec la possibilité de prolonger ce délai si la situation le justifie.
« Il y a toujours quelque chose à faire à la Recyclerie. »
Aux hommes hébergés dans ces structures qui, comme Lucas, à leur arrivée n’ont pas d’idée précise de ce qu’ils voudraient faire, nous proposons de travailler à la Recyclerie. Les résidents sont preneurs de cette activité, ils s’y investissent beaucoup.
« Il y a toujours quelque chose à faire : trier les dons, réparer les meubles, ranger les articles, servir les clients. Je n’ai jamais le temps de m’ennuyer. » Lucas est motivé.
Véritable projet d’économie sociale et circulaire, La Recyclerie de L’Ilot favorise la récupération, la réparation et la revente d’objets divers. Meubles, électroménager, vêtements, livres et objets de toute sorte proviennent de généreux donateurs et donatrices et sont, ensuite, triés par les volontaires et les résidents.
Huit mois après la reprise du site par L’Ilot, nous constatons une augmentation de la fréquentation de la Recyclerie ainsi qu’une professionnalisation des pratiques.
À titre d’exemple, nous avons décidé d’adapter les prix des dons matériels en fonction du public qui fréquente la Recyclerie : des vêtements sont proposés au prix le plus bas pour les personnes ayant des difficultés financières tandis que certains objets de décoration sont, au contraire, à un prix plus élevé pour des personnes avec plus de moyens.
L’argent récolté sert à financer le travail social de L’Ilot.
L’autre partie des dons matériels est envoyée à notre Service d’Installation en Logement (SIL) et distribuée directement et gratuitement aux personnes sans abri récemment relogées par nos services ou par nos partenaires de terrain.
« Au début, je devais trier la vaisselle, les objets en porcelaine et les lampadaires. Après plusieurs semaines, j’ai eu envie de changer de poste. J’en ai parlé avec la responsable de la recyclerie et Pascal*, un autre résident, m’a proposé de me prendre avec lui à l’atelier.
Hier, il m’a montré comment réparer un grille-pain. Il y avait un problème mécanique. Le panier était coincé. Il a fallu intervenir avec une petite pince plate pour réussir à descendre et à monter le panier. »
Cette expérience a donné envie à Lucas de reprendre le chemin de l’école pour étudier l’électromécanique.
La notion de « cadre » ne lui fait désormais plus peur. Les règles, comme a pu lui expliquer Yvonne*, l’une des volontaires à la Recyclerie, sont faites pour évoluer harmonieusement les uns avec les autres.
« J’aime bien Yvonne*, c’est un peu comme ma grand-mère. Elle me dit que c’est important tout ce que j’apprends à la Recyclerie car lorsque j’aurai mon chez-moi, je serai content de pouvoir profiter des objets que j’aurai moi-même réparés. »
« Ici, à L’Ilot, on me prend comme je suis. Je me sens bien et je ne pars pas en vrille. Si je n’étais pas à L’Ilot, je serais sûrement à la rue. Ou je serais peut-être mort. »
*Prénom d'emprunt
Ce témoignage a été reconstitué avec plusieurs éléments véridiques rassemblés et retravaillés.