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Rights First : reconsidérer l’accompagnement et l’accès aux droits sociaux pour les personnes les plus vulnérables 900 414 L'Ilot

Rights First : reconsidérer l’accompagnement et l’accès aux droits sociaux pour les personnes les plus vulnérables

Le projet Rights First offre l'opportunité de reconsidérer les processus actuels d'accompagnement des personnes vulnérables ainsi que les politiques visant à faciliter leur accès aux droits sociaux. L'innovation étant le maître-mot du projet, il propose de nouveaux partenariats et des façons inédites de faciliter les politiques d'intégration. Il s’articule autour de 3 axes de travail : l'accès au revenu minimum, au logement et aux solutions d'emploi. Le projet fera l’objet d’une évaluation sur une période de 30 mois (du 1er janvier 2022 au 30 juin 2024).

Le projet Rights First est coordonné par Bruss’help. Il réunit plusieurs acteurs de terrain (DIOGENES, Hobo, L’Ilot et le New Samusocial) qui travailleront notamment avec la Fédération des CPAS ou Actiris. Il bénéficie aussi du soutien de Crisis (Royaume-Unis) et de St Joan de Déu Serveis Socials (Espagne) qui partageront leur expérience dans la mise en œuvre d’une approche holistique. 

Le projet Rights First s'inscrit dans le cadre du programme européen pour l'emploi et l'innovation sociale « EaSI » 2014-2021, financé directement par la Commission européenne. La Commission Communautaire Commune du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale y apporte également une contribution financière. 

Contexte 

Le projet Rights First s'inscrit dans le cadre du programme européen pour l'emploi et l'innovation sociale « EaSI » 2014-2021, financé directement par la Commission européenne. Ce programme vise à mettre en œuvre sa stratégie 2020 pour promouvoir un niveau élevé d'emplois durables et de qualité, une protection sociale adéquate et décente en vue de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté ainsi qu’une amélioration des conditions de travail. Il répond à une volonté générale de mettre fin au sans-abrisme d'ici 2030. 

La Commission européenne a mis en place ce programme en recherchant des innovations sociales (services, produits ou modèles) et des politiques expérimentales pour répondre aux besoins sociaux. Parmi toutes les avancées susceptibles de mettre fin à la pauvreté et à l'exclusion, la Commission Européenne garde en ligne de mire la garantie d'un revenu minimum, d'un logement et d'un emploi pour que les personnes puissent avoir une vie décente et retrouver leur dignité. Il va sans dire que la crise pandémique à laquelle nous sommes confrontés depuis quelques années a mis à mal les progrès accomplis depuis 2014. Bien qu'acquis dans tous les Etats Membres de l'Union européenne, les dispositifs de revenu minimum méritent d'être revus et modernisés. C'est dans ce cadre que s'ancre le projet Rights First.  

La Commission communautaire commune du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale y apporte également une contribution financière. Sur proposition d’Alain Maron, ministre de l'Action sociale et de la Santé, le Collège Réuni de la Commission Communautaire Commune a également accordé un financement au projet Rights First. Ce projet est directement lié aux objectifs de l'accord de gouvernement pour la législature 2019-2024 puisqu'il active la réouverture des droits, améliore l'accès à l'emploi et facilite l'accès au logement durable. Le soutien financier accordé par le Collège Réuni de la Commission Communautaire Commune est également motivé par la dimension innovante du projet réunissant de multiples acteurs.

Tous les deux ans, Bruss'help réalise un dénombrement pour estimer le nombre de personnes à la rue ou vivant dans des logements inadaptés (abris, squats, etc.). En 2020, le nombre estimé s’élève à 5313 personnes. Bien que les causes du sans-abrisme soient multiples, il se traduit souvent par une perte de droits sociaux – certaines personnes n'ont même jamais eu accès à de tels droits – pouvant entraîner une disparition administrative. 

Ce phénomène est récurrent pour les personnes officiellement présentes sur le territoire bruxellois à un moment donné qui finissent par être radiées du registre national en raison de l'absence d'une adresse de résidence ou de référence. Pour briser ce cercle vicieux, un soutien administratif ainsi qu'une aide à la recherche d'un logement et d'un emploi sont indispensables.

Le projet Rights First

Le projet Rights First ambitionne de toucher plusieurs publics. Il examine notamment la possibilité de rouvrir les droits sociaux des personnes sans abri en situation administrative irrégulière à Bruxelles pour leur permettre de s’émanciper dans leur propre projet de vie en Belgique. Il est également ouvert, par exemple, à des personnes avec revenus recherchant des conditions de logement décentes. 

Les trois axes de travail du projet Rights First sont en effet l'accès au revenu minimum, au logement et aux solutions d'emploi. C'est une occasion unique de reconsidérer le processus actuel d'accompagnement des personnes vulnérables ainsi que les politiques visant à faciliter l'accès aux droits sociaux. Ce qui est régulièrement mis en cause, c'est la lenteur des services à tous les niveaux et la complexité des démarches à entreprendre pour retrouver une situation de vie décente. 

L'innovation étant le maître mot de ce projet, il propose de nouveaux partenariats et de nouvelles façons de faciliter les politiques d'intégration dans le cadre d'une évaluation post ante et ex post sur une durée de 30 mois (du 1er janvier 2022 au 30 juin 2024). 

À l’issue de ce projet, est visée une simplification administrative pour percevoir rapidement un revenu, trouver un logement ou un nouvel emploi. Cette simplification administrative pourrait, à long terme, être étendue à un public plus élargi.

Partenaires

Chargé de sa coordination, Bruss’help assure le bon déroulement du projet Rights First. 

En tant qu'autorités publiques, les centres publics d’action sociale (CPAS) jouent un rôle crucial pour faciliter l'accès aux droits sociaux dont le revenu minimum. Comme ils sont 19 dans la seule région de Bruxelles, la Fédération des Centres publics d'action sociale contribuera au débat sur l'amélioration des politiques. Toutefois, quatre CPAS (ceux des communes de Forest, Bruxelles-ville, Auderghem et Saint-Gilles) participeront au projet de manière opérationnelle ainsi qu’au processus d'évaluation. Une autre autorité publique associée au projet est Actiris dont l'expertise en matière d'accompagnement auprès des demandeur∙euse∙s d'emploi pourrait être étendue aux personnes sans abri. 

D'autres prestataires de services offrant un accompagnement direct aux personnes vulnérables apporteront une valeur ajoutée au projet en partageant leur propre expertise :

  • DIOGENES, qui est spécialisé dans le travail de rue ; 
  • Hobo, qui gère un centre de jour et propose un accompagnement vers la remise à l’emploi ;
  • L’Ilot, qui propose des solutions de logements durables et abordables pour le public bruxellois sans abri et un service d'accompagnement à domicile après l’entrée en logement (S.Ac.A.Do) ; 
  • le New Samusocial, qui gère différents types d'hébergements (d’urgence, de transition et un dispositif Housing First). 

Des partenariats ont également été établis avec Crisis, une organisation caritative britannique, et St Joan de Déu Serveis Socials, un service social basé à Barcelone. Ces deux organisations ont développé une approche holistique de la lutte contre le sans-abrisme et encadreront les partenaires belges. Leur expertise sera certainement un enrichissement tout au long du projet.

Comment ? L'approche holistique

L'objectif du projet est d'accompagner les personnes sans abri à Bruxelles par une approche holistique et en se concentrant particulièrement sur : 

  • l'inscription administrative pour réactiver les droits sociaux (adresse résidentielle ou adresse de référence et revenu minimum d’intégration sociale) ;
  • l'accompagnement dans la recherche d'un logement et le maintien dans ce logement ; 
  • l'intégration sur le marché du travail. 

Pour analyser les parcours d'intégration, nous nous pencherons sur les conditions de départ des bénéficiaires. Deux scénarios peuvent, par exemple, être envisagés : 

  • le premier est celui d'un∙e bénéficiaire sans abri, dormant dans la rue ou utilisant un hébergement d'urgence ou de transition et qui n'est ni enregistré∙e auprès de la municipalité (donc pas de contact avec un CPAS) ni n'a accès à l'aide sociale, aux services de logement ou d'emploi. Dans ce cas, le parcours commencera probablement par la réouverture des droits ou par la recherche d'un hébergement de transition ;
  • dans le second scénario, le ou la bénéficiaire est sans abri, peut vivre dans un refuge ou dans un hébergement de transition et a déjà accès au revenu minimum grâce à l'aide d'un CPAS. Ce parcours d'intégration propose de faciliter l'accès au marché du travail par le biais d'un accompagnement, d'une formation et d'une recherche d'emploi, couplé à un soutien pour trouver un logement stable. 

Chaque scénario prévoit des exceptions car les parcours d'intégration ne sont pas figés. C'est pourquoi une approche holistique fondée sur un nouveau partenariat fera la différence pour une personne sans abri.

Pour renforcer la solidité de l'approche, le projet s'inspire du travail de nos partenaires européens : les projets Crisis et Sant Joan de Deu. Le soutien par les pairs et des formations seront organisés sur la base de la méthodologie d'intervision afin de partager les pratiques et les connaissances entre les projets en mettant en lumière des situations complexes et de résultats insatisfaisants. 

Cela signifie d'établir et de renforcer la coopération entre les partenaires impliqués. Un tel partenariat a le potentiel de couvrir l'ensemble du parcours analysé qui va de la rue ou d'un hébergement à court terme vers un logement permanent et un emploi. Cette approche holistique de la prestation de services facilitera l'obtention du droit à un revenu minimum adéquat et à d'autres prestations en espèces pour les personnes sans abri qui n'ont actuellement aucun recours aux fonds publics.

Suivi et évaluation 

Le suivi et l'évaluation sont des éléments centraux de ce projet et seront réalisés par un∙e expert∙e externe. Le processus de suivi et d'évaluation permettra de justifier le projet lui-même, ses progrès vers ses objectifs, ses faiblesses et ses réalisations, et la manière dont il devra évoluer pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Sur la base d'une approche ex-ante/ex-post, les partenaires seront en mesure d'assurer la durabilité de l’impact. Par conséquent, l'évaluation couvrira les nouveaux partenariats, l'efficacité et l'efficience de l'accès aux droits sociaux ainsi que la satisfaction des bénéficiaires impliqués.

Innovation

Le sans-abrisme est une thématique importante et prioritaire pour l'innovation sociale. Les prestataires de services du secteur de l’aide aux personnes sans abri peuvent être des acteur∙trice∙s clés de l'innovation sociale et le secteur a besoin de soutien pour développer, tester et étendre les innovations afin de lutter contre le sans-abrisme et ainsi contribuer aux progrès dans les objectifs des piliers des droits sociaux de la stratégie européenne 2020. 

Chaque axe composant ce projet pris isolément présente déjà de multiples contraintes de temps et de ressources. Le projet Rights First apporte une réponse plus complète et renforce le dialogue entre les prestataires de services aux personnes sans abri. L'approche holistique englobant les droits au revenu minimum, au logement et à l'emploi est nouvelle pour le secteur bruxellois et a le potentiel de s'étendre à d'autres domaines thématiques de lutte contre l'exclusion liée au logement tels que la santé et l'éducation. 

De plus, les partenariats sont innovants car ils réunissent les prestataires de services aux personnes sans abri et les autorités publiques tout en combinant une variété de professions qui ne sont normalement pas en contact lorsqu'il s'agit de traiter des situations d'exclusion de personnes. 

Rights First plaide pour un travail transversal : les professionnel∙le∙s travaillant avec les personnes sans abri peuvent innover en portant leurs services au-delà de leur cadre traditionnel afin d'améliorer l'accessibilité et l'engagement.

Dans l’ensemble, il y a beaucoup de possibilités pour l'innovation sociale en soutien au développement, l'essai et la diffusion de l'approche holistique de la prestation de services que Rights First met en œuvre. 

Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de L'Ilot et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission Européenne.
Tempête Eunice : inégalités en rafales 890 499 L'Ilot

Tempête Eunice : inégalités en rafales

La tempête Eunice, qui balaye actuellement la Belgique, s’annonce comme l’une des pires de ces 30 dernières années. Alors que les autorités publiques encouragent la population à se calfeutrer, de nombreuses personnes seront, dans les prochaines heures, en danger faute d’abri sécurisé, vont devoir affronter les éléments au péril de leur vie.

L’Ilot tient à rappeler que, encore une fois, ce sont celles et ceux qui vivent dans les conditions les plus précaires qui se retrouvent en première ligne quand la situation dégénère : pas moyen de s’abriter quand on n’a nulle part où loger ! 

Sans solutions pérennes et durables pour assurer la sécurité et un futur digne à celles et ceux qui vivent en rue, sans une politique innovante en matière de rénovation des habitations qui le nécessitent, sans garantie d’accès à des logements dignes pour les publics les plus précarisés, chaque bourrasque trop importante entraînera invariablement des drames humains dans son sillage.

Il est primordial de, sans tarder, dégager des moyens pour assurer la sécurité de tous face aux catastrophes météorologiques. Si nous restons sans réaction, le vent sèmera, après la tempête, la désolation pour toutes celles et ceux qui vivent en rue ou sous des toits branlants.

Énergie : la réaction de L’Ilot face à la hausse des prix 1024 682 L'Ilot

Énergie : la réaction de L’Ilot face à la hausse des prix

Ployer sous les coups de l'énergie

L'explosion des coûts énergétiques nous oblige toutes et tous à resserrer nos budgets et à moins consommer. Pas toujours agréable, mais jouable. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est continuer à vivre dignement quand on survit financièrement. Ce qui ne l’est pas du tout, c’est devoir choisir entre manger et se chauffer. Pour L’Ilot : les deux, sans hésiter !

Comment faire face à une facture qui triple quand dépenser le tiers est déjà difficile, voire impossible sans le soutien des services agréés ? Comment garder un chez-soi quand on ne peut plus se le payer ? Aider les personnes à répondre à ces questions, c’est la réalité quotidienne du Service d’accompagnement à domicile de L’Ilot (S.Ac.A.Do), qui apporte notamment son soutien aux personnes mal logées en risque de sans-abrisme. La crise énergétique que nous vivons, c’est une quasi-condamnation à la rue pour beaucoup de personnes et de ménages sans aucune sécurité financière. Et elle va surement, dans les prochains mois, encore frapper plus fort.

Sans plus attendre, L’Ilot fait siennes les recommandations déjà édictées par ses partenaires – notamment le Centre d’Appui SocialEnergie de la Fédération des Services Sociaux – et plaide pour qu’elles débouchent rapidement sur des actions concrètes :

  • la pérennisation du tarif social et son élargissement sur la base des revenus, notamment pour les personnes bénéficiant d’une intervention majorée ou en situation de médiation de dettes ;
  • l’introduction de prix réglementés pour les consommations domestiques ;
  • la mise à contribution du secteur et des changements dans le design du marché de l’électricité ;
  • une politique ambitieuse d’isolation du bâti qui permette de toucher tous les ménages, qu’ils soient propriétaires ou locataires.

Si l’urgence sociale est bien réelle, elle ne peut cependant pas entraîner de décisions prises à la va-vite : consulter les associations et organismes – publics comme privés – dédiés à l’aide aux personnes est une obligation pour que les solutions dégagées soient concertées, coordonnées et durables.

Payer sa facture de gaz devient un luxe ! Pour soutenir celles et ceux qui risquent de se retrouver à la rue si les prix continuent à augmenter, faites un don à S.Ac.A.Do, le service de L'Ilot qui travaille avec les personnes mal logées ou en risque de sans-abrisme. Celles qui ont de moins en moins. Celles qui n'en peuvent plus des coups.

Sans-abrisme au féminin : sortir de l’invisibilité – Elodie et Cindy 1024 420 L'Ilot

Sans-abrisme au féminin : sortir de l’invisibilité – Elodie et Cindy

Recherche-action sur les violences faites aux femmes les plus précaires (sans abri) et préfiguration d'un centre de jour pour femmes.

Ce 13 janvier, L’Ilot présente aux parlementaires bruxellois∙es l’étude-action sur les femmes en situation de sans-abrisme qu’elle mène depuis mars 2021. Et ses constats sont sans appel : le nombre de femmes sans-abri ou mal logées est largement sous-évalué et l’offre de services ne leur est pas adaptée alors qu’elles subissent plus de violences – notamment liées au genre – que leurs homologues masculins. Dans une démarche intersectorielle et avec l’aide d’un groupe d’expertes du vécu, L’Ilot a développé une série de recommandations pour proposer des solutions dignes et durables à ces constatations, notamment la création d’un centre de jour par et pour les femmes.

Elodie Blogie, qui a mené l'étude-action sur les femmes sans abris pour L’Ilot, dresse l’amer portrait d’une société – la nôtre – qui n’a jamais pris en compte les réalités du sans-abrisme au féminin.

Outre la création d’un centre de jour #paretpourlesfemmes, L’Ilot recommande notamment :

  • D’améliorer la méthodologie de dénombrement des femmes sans abris et de mener une étude qualitative à leur sujet
  • De créer des formations spécifiques sur le genre, le sexisme ou encore la non-binarité pour les travailleur∙euse∙s sociaux∙ales
  • De rapprocher les secteurs sans-abri et droits des femmes
  • De lutter contre la précarité menstruelle
  • (re)Penser la sexualité et l’intimité des personnes sans abris, notamment en hébergement

Cindy est l’une des expertes du vécu ayant co-construit avec L’Ilot les ébauches d'un futur centre de jour par et pour les femmes en situation de sans-abrisme. Elle nous explique le « pourquoi ? » de son implication et insiste sur l’absolue nécessité d’un tel projet.

Dans la presse : 

Sans-abrisme au féminin : sortir de l’invisibilité – Rapport 1024 420 L'Ilot

Sans-abrisme au féminin : sortir de l’invisibilité – Rapport

Etude-action sur les violences faites aux femmes les plus précaires (sans abri) et préfiguration d'un centre de jour pour femmes.

Ce 13 janvier, L’Ilot présente aux parlementaires bruxellois∙es l’étude-action sur les femmes en situation de sans-abrisme qu’elle mène depuis mars 2021. Et ses constats sont sans appel : le nombre de femmes sans abri ou mal logées est largement sous-évalué et l’offre de services ne leur est pas adaptée alors qu’elles subissent plus de violences – notamment liées au genre – que leurs homologues masculins. Dans une démarche intersectorielle et avec l’aide d’un groupe d’expertes du vécu, L’Ilot a développé une série de recommandations pour proposer des solutions dignes et durables à ces constatations, notamment la création d’un centre de jour par et pour les femmes.

Dans la presse : 

La Kart #2 accompagner les jeunes en errance : le projet MACADAM 1024 875 L'Ilot

La Kart #2 accompagner les jeunes en errance : le projet MACADAM

Madeleine Guyot, présidente de l’association Macadam - jeunes en errance et Simon Niset, directeur d’une des maisons d’accueil pour hommes seuls de L’Ilot à Charleroi échangent sur les spécificités de l’accompagnement des jeunes (entre 15 et 26 ans).

L’Ilot : Simon Niset, est-ce que vous
accueillez des jeunes dans votre
maison d’accueil ?

Simon Niset : Oui, en 2019 et en
2020 on a accueilli 20 % de jeunes
ayant entre 18 et 24 ans. C’est très
significatif. C’est une évolution récente.

L’Ilot : Comment ces jeunes hommes
sont arrivés chez vous ?

Simon Niset : Il y a différentes
manières : soit ces jeunes connaissent
des maisons d’accueil, soit ils se sont
adressés à un service social de première
ligne, soit ils appellent d’eux-mêmes
partout en espérant trouver une
place d’accueil et d’hébergement
temporaire… Ce qui m’interpelle c’est
que beaucoup de ces jeunes ont déjà
un parcours dans l’aide à la jeunesse.
On peut donc se poser la question d’un
certain échec à un moment précoce, au
niveau familial d’abord et ensuite au
niveau des institutions qui sont censées
prendre le relais. Les questions de mise
en autonomie ont toujours été très
compliquées. Force est de constater que
pour une bonne partie de jeunes, cela
ne fonctionne pas comme cela devrait.
Avec l’équipe socio-éducative de notre
maison d’accueil à L’Ilot, nous nous
interrogeons par rapport à l’accueil de
ce public, et, entre autres, de savoir si
une maison ouverte à tous les âges est
vraiment bien adaptée. On constate
deux choses : la première, c’est que
certains sous-groupes de jeunes vont
rentrer en conflit avec des plus âgés ; la
deuxième c’est la potentielle mauvaise
influence de plus âgés sur les plus
jeunes, notamment pour ceux qui
cherchent une figure parentale. En
même temps, je crois fort à la mixité
des publics, la mixité des âges… D’une
part, créer des structures spécifiques
pour les jeunes peut accroître le risque

pour eux de se tirer mutuellement vers
le bas. Mais, d’autre part, il faut le dire
honnêtement, on a déjà accueilli des
jeunes qui sont ressortis plus abîmés
d’une maison d’accueil qu’à leur arrivée
parce qu’ils y avaient rencontré les
mauvaises personnes, souvent en lien
avec des problèmes d’assuétudes et de
consommation…

L’Ilot : Le risque de glissement vers
le bas serait selon vous moins grand
si les jeunes restaient en groupe sans
autre contact avec des plus âgé·e·s ?

Simon Niset : En fait, je ne dirais pas
que c’est une problématique liée au
fait que les jeunes se regroupent. Il est
évidemment normal que les jeunes
s’associent. Ce qui est compliqué pour
nous, c’est de leur faire comprendre
que les enjeux ne sont pas les mêmes
pour eux que pour des jeunes qui
sont en famille, et n’ont pas eu ce
parcours d’errance et d’exclusion qui
est le leur. On peut respecter le fait
qu’à 18 ans, on fait la fête, on est un
peu insouciant…mais un jeune reste
chez nous pendant neuf mois et, si au
bout des neuf mois, on n’arrive pas à
concrétiser un projet de logement, il va
se retrouver à la rue. Il y a une urgence
à se mobiliser mais c’est parfois assez
difficile de leur en faire prendre
conscience.

Madeleine Guyot : Ce que Simon
dit résonne fort à plein de niveaux.
C’est une question complexe. Ce
public a besoin d’être entendu dans
ses demandes et ses non-demandes,
d’être compris et qu’un lien soit recréé.
Le but de l’initiative Macadam c’est
de proposer un accueil « bas seuil »
de jour inconditionnel pour un
public fortement désaffilié et de lui
fournir une réponse le plus possible
désinstitutionnalisée.

« Bas seuil », cela implique que tout jeune peut y venir, quelle que soit la complexité de
sa situation, quel que soit son niveau
d’autonomie.

L’Ilot : Qu’est-ce que ce ça veut dire
« une réponse désinstitutionnalisée » ?

Madeleine Guyot : C’est permettre
constamment à la structure de se poser
la question de savoir si les services
qu’elle offre sont adaptés aux besoins.
C’est forcer l’institution à s’adapter
aux jeunes plutôt que les jeunes au
fonctionnement de la structure.
C’est aussi éviter une conditionnalité
monolithique. Car pour certains
jeunes, la mise en projet ou le projet
de logement, etc., ça peut fonctionner.
Mais pour plein d’autres jeunes, ça
ne fonctionne plus. Il leur faut un
temps de repos. Madacam veut le leur
offrir, avec un accompagnement. Ça
implique d’être prêt à accueillir la nondemande
des jeunes. Voilà donc nos
trois principes directeurs à Macadam :
l’inconditionnalité, le fait de ne pas
s’institutionnaliser et le fait d’accueillir
la non-demande.

L’Ilot : Est-ce que le fait d’être financé
par les pouvoirs publics, qui ont des
attentes, ne risque pas justement de
conduire à une institutionnalisation ?

Madeleine Guyot : L’ADN de Macadam
c’est l’intersectorialité : santé mentale,
aide à la jeunesse, sans-abrisme, lutte
contre la pauvreté, etc. L’Ilot connait
bien ce type de démarche parce qu’il est
membre du Conseil d’Administration
et fonctionne beaucoup avec d’autres
secteurs. Cela garantit une approche
plus large que celle d’un seul secteur
donc d’une seule « vision politique ».
La volonté de Macadam c’est de ne pas
rentrer dans une case afin de faire place

à quelque chose qui s’articule entre la
minorité et la majorité d’âge, le sansabrisme,
l’aide à la jeunesse, la santé
mentale, la lutte contre la pauvreté, etc.

L’Ilot : Simon Niset, comment
réagissez-vous à l’idée de la création
d’un centre de jour bas seuil pour
jeunes ?

Simon Niset : Je pense que c’est une
initiative qui a énormément de sens.
Il y a vraiment urgence. C’est un
besoin qui avait d’ailleurs déjà été
relayé par Philip De Buck, directeur du
Centre d’Accueil de jour de L’Ilot, qui
disait qu’il était alarmé par le nombre
de jeunes qu’il voyait, leur difficulté
à trouver leur place dans un centre
ouvert à tous et toutes, la difficulté de
l’équipe à répondre à leurs besoins et
attentes spécifiques et la potentielle
mauvaise influence que pouvait avoir le
public plus ancien sur ce public jeune
qu’il identifiait comme extrêmement
fragile.

L’Ilot : Quelle est la bonne manière
d’accueillir et d’accompagner ces
jeunes ?

Simon Niset : Je pense qu’il faut aller
vers un maximum de diversité et éviter
les groupes homogènes, pour que
tous les jeunes se sentent autorisés à
fréquenter ce centre. Après, les jeunes
sont dans la construction de soi, dans
la remise en question d’un système et
de toute forme d’autorité. Il faut donc
qu’il y ait un cadre clair mais avec
lequel les éducateurs et éducatrices
puissent jouer de manière intelligente,
sinon ça risque d’être extrêmement
compliqué.

Madeleine Guyot : Nous accueillons
tous les jeunes, en adaptant les
modalités d’accueil. Ces jeunes ont

l’errance comme seul dénominateur
commun. On parle de personnes
migrantes, LGBTQI+, de jeunes filles
enceintes, etc. Il faut les toucher et les
accompagner de façon pertinente, en
fonction de leur situation, et être très
réactif. Enfin, nous voulons stimuler
leur participation, au sein de Macadam
mais aussi pour se faire entendre des
politiques, intervenir comme experts
du vécu, etc.

L’Ilot : Quels sont les défis et les
points d’attention ?

Simon Niset : Il faut une équipe solide
et nombreuse pour accompagner ces
jeunes aussi très concrètement dans
leurs démarches administratives ou
pour la recherche d’un logement.
Et bien intégrer la structure dans le
quartier, pour que les jeunes y accèdent
facilement, sans craindre de n’être pas
bienvenus.

Madeleine Guyot : Ils sont nombreux.
Il faut éviter d’entrer dans la fameuse
« boucle de mobilité » des jeunes en
errance, qui circulent sans cesse entre
les mêmes services et reviennent à
chaque fois à la « case départ ». L’enjeu,
c’est d’améliorer la trajectoire de ces
jeunes. Cela veut dire promouvoir
l’intersectorialité, qui est indispensable.
On doit également arriver à toucher
des jeunes qui sont plus difficiles à
atteindre, comme les jeunes victimes de
traite et d’exploitation sexuelle. Nous
voulons aussi développer une expertise
sur ces publics qui puisse servir à tous
les acteurs. Enfin, il faut assurer des
financements à la hauteur des enjeux.
Nous avons besoin de l’engagement
ferme et concret des politiques sur cette
question.

Social et green washing au détriment de l’aide alimentaire : le modèle Happy Hours Market 1024 208 L'Ilot

Social et green washing au détriment de l’aide alimentaire : le modèle Happy Hours Market

Happy Hours Market est une entreprise qui récupère les invendus de commerces afin de les revendre en fin de journée à prix réduit sur une application. Les restes sont ensuite déposés après 21h30 à des associations d’aide alimentaire.

Au premier regard, l’action d’une telle entreprise semble vertueuse : lutte contre le gaspillage et soutien aux associations d’aide alimentaire. Qu’en est-il vraiment?

La marchandisation de l’aide alimentaire : de la science fiction ?

Le secteur de l’aide alimentaire s’organise depuis des dizaines d’années et se professionnalise surtout depuis 2015 dans la collecte d’invendus : achat et mutualisation des moyens logistiques, partage des moyens entre associations, collaborations etc. Des plateformes d’approvisionnement et d’échange existent déjà dans le secteur (DREAM, Bourse aux dons, LOCO…).

Il n’est pas satisfaisant de venir en aide aux personnes précarisées avec des invendus, mais aujourd’hui aucune autre solution n’existe. Il est encore moins envisageable que la qualité et la quantité de cet approvisionnement soit mis à mal par les entreprises qui s’intéressent de plus en plus à cette source de nourriture – surtout en ce moment, en pleine période de crise sanitaire et sociale. Si plus d’attention n’est pas portée à ce qui est en train de se jouer actuellement, et si les pouvoirs publics voient les entreprises privées à but lucratif comme des partenaires de l’aide sociale plutôt que de soutenir structurellement les actions de terrain, les dérives continueront jusqu’à la marchandisation totale de l’aide alimentaire (avec son lot de mises en concurrence et de pratiques déloyales).

Ce modèle n’est pas une solution.

Bruss'help : Chloé Thôme
Dénombrement 2020 – le nombre de femmes en situation de sans-abrisme et mal logement en augmentation 1024 683 L'Ilot

Dénombrement 2020 – le nombre de femmes en situation de sans-abrisme et mal logement en augmentation

5.313, c'est le nombre de personnes qui en novembre dernier étaient en situation de sans-abrisme ou de mal logement en Région bruxelloise contre 4.187 en 2018.

 

Selon les dernières statistiques fournies par Bruss'help, les femmes représenteraient 20,9% du sans-abrisme sur le territoire régional bruxellois. Pour cette même région, les enfants, très majoritairement pris en charge par les femmes, représentent quant à eux 17,6% du phénomène sans abri.

Encore largement méconnu et sous-estimé en raison notamment des stratégies d'évitement de la rue mises en place par les femmes elles-mêmes, le sans-abrisme féminin existe.

1110 femmes ont été comptabilisées en situation de sans-abrisme ou de mal logement au mois de Novembre 2020. Même si le pourcentage de femmes par rapport au pourcentage d'hommes a diminué, nous observons bel et bien une augmentation de 17,7% du nombre de femmes. Si leur présence dans l'espace public a diminué (51 femmes contre 84 en 2018), une personne sur trois en hébergement d'urgence et centre d'accueil est une femme. Comme précisé par Bruss'help, les centres d’urgence et les hôtels de crise ont également accueilli de nombreuses femmes victimes de violences conjugales, phénomène en forte hausse durant l’ensemble de l’année 2020.

Pour échapper aux risques d'agression en rue, les femmes vont d'abord préférer les solutions de débrouille : une nuit dans la famille, une autre chez des amis, une autre encore dans une voiture ou un squat. L'espace public, encore majoritairement pensé par et pour les hommes, est source de danger pour les femmes en particulier, qui deviennent de véritables proies.

Pour plus d'informations concernant la spécificité de l'accompagnement des femmes en situation de sans-abrisme, consultez notre rubrique "comprendre".

La Kart #1 l’histoire de Marie 1024 576 L'Ilot

La Kart #1 l’histoire de Marie

La Kart #1 de l’urgence de croiser sans-abrisme et féminisme 1024 576 L'Ilot

La Kart #1 de l’urgence de croiser sans-abrisme et féminisme

Entretien avec Ariane Dierickx (L’Ilot) et Valérie Lootvoet, (Université des femmes)

La précarité et l’insécurité émaillent les parcours des femmes à la rue et en situation de mal-logement. Accompagner ces femmes nécessite donc de mettre en lumière et d’articuler les multiples discriminations qui senchevêtrent dans la vie des femmes, dès leur enfance. Sans quoi l’accompagnement présente des réponses limitées pour les femmes, voire même génère de nouvelles violences. Echanges croisés entre laction de terrain auprès des femmes sans abri, avec Ariane Dierickx, directrice générale de L’Ilot, et le plaidoyer féministe, avec Valérie Lootvoet, directrice de lUniversité des femmes.

Propos recueillis par Manon Legrand (Alter Echos[1])

Quel est le parcours des femmes sans abri et comment arrivent-elles à cette situation ? 

Ariane Dierickx : Les femmes en situation ou en risque de sans-abrisme connaissent des discriminations multiples tout au long de leur parcours de vie, qui fabriquent les conditions de la précarité, et expliquent leur situation de mal- et de sans-logement. On retrouve derrière la majorité des femmes que nous accompagnons toutes les discriminations que peuvent subir les femmes, à commencer par les violences sexuelles, psychologiques, physiques, économiques, le plus souvent sur fond de violences sociales qui commencent dès l’enfance. On ne le dit pas assez : les violences sont la première cause de sans-abrisme des femmes, suivie des problèmes de santé mentale. Mais la santé mentale des femmes, on le sait, est aussi abîmée par les violences qu’elles subissent tout au long de leur vie. Si on approchait donc la question de façon systémique, le sans-abrisme féminin ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

Valérie Lootvoet : Cela met en lumière l’absence de filet pour les femmes, et notamment l’absence de solidarité intra-familiale par rapport à ce qui s’est passé dans leur vie de femmes, mais surtout de filles. Je ne pense pas que le sans-abrisme pend au nez de tout le monde, comme on l’entend souvent. Je vois chez les femmes monoparentales des grandes problématiques d’accès au logement – refus de certains propriétaires, loyers trop onéreux pour des logements dignes pour les femmes et leurs enfants, etc. Pour autant, je ne pense pas que toutes ces femmes-là, malgré leurs difficultés de logement, soient en condition de tomber dans une situation où elles n’auront plus aucun toit sur la tête.

Quest-ce qui serait alors spécifique aux femmes ?

Ariane Dierickx : On entend souvent parler d’accident de parcours comme une cause possible du sans-abrisme, mais la plupart du temps, les personnes qui fréquentent nos services, hommes comme femmes, ont connu un lourd parcours institutionnel ponctué de multiples formes d’exclusions et de violences. Il y a des éléments communs dans les parcours des femmes et des hommes sans abri, mais s’ajoutent pour les femmes, les violences genrées. En raison d’un cumul de situations dans lesquelles elles se sont systématiquement retrouvées niées, violentées, écrasées, les femmes perdent progressivement l’estime d’elles-mêmes. Permettre de retrouver l’estime de soi est un des gros enjeux du travail d’accompagnement dans le secteur sans-abri. Quand quelqu’un n’est plus capable d’activer les réseaux d’entraide existants, c’est parce qu’il a l’impression de ne plus en valoir le coup. Les violences genrées aggravent encore la perte d’estime de soi, qui devient le point de dégringolade pouvant aller jusqu’à la perte de logement. Mais il y aussi des femmes qui arrivent chez nous, non pas à cause d’une situation de violences sociales et économiques depuis l’enfance, mais directement suite à un parcours de violences conjugales.

Pourquoi, sachant cela, sont-elles minoritaires dans le public sans-abri ?

AD : Les femmes victimes de violences conjugales ne se retrouvent pas dans le vocable « sans-abri », c’est l’une des raisons pour lesquelles elles n’arrivent pas dans notre secteur. Ces femmes vont aussi s’interdire d’aller en rue en raison de la présence des enfants, alors que les hommes vont plus vite décrocher de la famille et tout lâcher. Les femmes, parce qu’elles savent que la rue est violente, pour elles et pour leurs enfants, se l’interdisent. Elles trouvent des solutions de débrouille, une nuit dans la famille, une autre chez une amie, une autre encore dans une voiture ou un squat. C’est comme ça qu’elles finissent par disparaître des radars de l’aide sociale et qu’on ne les retrouve pas dans les statistiques. Il arrive que des femmes restent aussi dans un environnement violent parce qu’elles ne trouvent pas de meilleure réponse à leur détresse : c’est rester ou partir, mais pour aller où ? D’autres vont aussi se tourner vers la prostitution pour éviter la rue. Ces différentes situations, qui devraient être comptabilisées dans les statistiques de mal-logement et de sans-abrisme, donnent une image tronquée du phénomène du sans-abrisme au féminin, largement méconnu et sous-estimé.

Vous constatez aussi que les services ne sont pas adéquats pour les femmesPourquoi ?

VL : On est aujourd’hui – et pas seulement dans le secteur du sans-abrisme – dans un système de réduction des risques, avec des mesures de rattrapage qui ne viennent pas régler des années de délitement de l’estime de soi. Si les femmes et les hommes, dès la petite enfance, étaient mieux accompagné·e·s dans la formation de leur estime d’eux-mêmes, du prendre soin de soi, du prendre soin des liens, si les paramètres sociaux permettaient une construction des identités individuelles qui permettent d’en faire des socles stabilisés, nous ne connaîtrions pas ces situations. Les services comme L’Ilot héritent de longues trajectoires de déshérence.

AD : Les femmes savent que certains services sont utilisés par les hommes, mais aussi pensés par et pour eux. Dans la plupart des infrastructures de notre secteur, elles n’ont pas suffisamment d’intimité. Elles n’ont pas la possibilité de déposer leurs difficultés et leurs besoins. Les solutions qu’on leur propose ne sont pas adéquates, qui plus est dans un contexte d’urgence qui reste encore trop au cœur des solutions proposées. En pleine crise Covid, cela nous a vraiment marqué·e·s. Tous les services de terrain ont vu disparaître les femmes. Notre hypothèse est que la sur-sollicitation de nos services par des hommes, a éloigné encore davantage les femmes. Parce qu’elles ne trouvent pas de réponses adéquates dans nos services, les femmes finissent par ne plus les fréquenter, trouvent d’autres solutions… ou n’en trouvent pas. Et continuent de subir des violences en rue ou dans leur foyer. Quant à la rue, on sait qu’elle est dangereuse pour tous, mais plus encore pour les femmes. Soit les femmes sans abri vont nier, dissimuler leur féminité, ce qui concourt aussi à les invisibiliser. Soit elles vont chercher la protection de groupes d’hommes dans lesquels elles vont revivre des rapports de domination. C’est un cercle sans fin…

Pourquoi et comment le secteur du sans-abrisme et le plaidoyer féministe doivent-ils davantage sarticuler?

AD : Un lieu d’accueil pour les femmes sera une réponse vaine si nous ne travaillons pas au départ d’une démarche intersectorielle. Le terrain du sans-abrisme ne nourrit pas suffisamment le travail de plaidoyer du féminisme. Nous avons des enjeux communs dans nos secteurs, comme l’individualisation des droits sociaux, que nous défendons l’un et l’autre mais chacun de notre côté sans jamais croiser les argumentaires et les batailles. Nous observons aussi des traces persistantes de paternalisme dans les modes d’accompagnement proposés dans notre secteur, un paternalisme inconscient et évidemment bienveillant, mais qui entrave complètement le travail d’émancipation. Nous devrions passer de la vision caritative, elle aussi encore trop présente, à un travail politique qui analyse des défaillances de l’Etat, informe notre public sur les politiques sociales afin qu’il identifie son pouvoir d’agir. Cela passe aussi par l’inclusion de notre public dans notre travail de réflexion stratégique. Un des gros enjeux dans le travail social est de faire en sorte que les équipes sociales de terrain soient en capacité de faire des liens directs entre les difficultés livrées par les personnes et les causes systémiques qui engendrent cette situation. C’est de l’éducation permanente, et nous avons à nous inspirer des associations féministes. Le centre de jour que nous voulons créer pour les femmes n’est pas pensé uniquement comme un espace de prestations de services mais bien comme outil de mobilisation collective et solidaire qui permette la transformation sociale des structures institutionnelles.

VL : L’approche caritative est aussi le signe d’un Etat social défaillant. Le retour de la charité est un signe que l’Etat ne remplit pas son rôle, on le voit dans cette crise. La reproduction sociale dont nous parlions n’est pas un déterminisme dans un Etat social fort, ce qu’il n’est pas pour le moment. L’Etat a été capable de créer une sécurité sociale, de garantir l’accès à la culture. L’école est normalement un filet de prévention pour les enfants qui y passent de longues heures. Mais le secteur est à bout, les enseignant·e·s exténué·e·s, plus encore aujourd’hui dans cette crise. Nous devons réaffirmer qu’il s’agit de la mission de l’Etat de garantir des droits, sans quoi nous reportons tout sur les familles, sur les femmes, ou sur les associations.

[1] www.alterechos.be. Le numéro de mars d’Alter Echos est consacré aux violences contre les femmes dans les secteurs de l’aide psycho-sociale.