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Kart #5 | Plaidoyer « prison et sans-abrisme » 1024 576 L'Ilot

Kart #5 | Plaidoyer « prison et sans-abrisme »

Quel est le lien entre la prison et le sans-abrisme ?

Beaucoup de personnes sans chez-soi sortent directement d’un long séjour en institution : cliniques psychiatriques, hôpitaux mais aussi, souvent, prisons. Et ces dernières ont particulièrement tendance à « produire du sans-abrisme », pour de multiples raisons.

Il y a, tout d’abord, la problématique du manque d’accompagnement des détenu∙es au sein de la prison : le financement du système carcéral belge étant majoritairement alloué aux enjeux sécuritaires (engager des gardiens et gardiennes, payer des systèmes de surveillances, etc.), le secteur social n’en récolte que les miettes. Il y a trop peu de travailleuses et travailleurs sociaux dans les institutions pénitentiaires. Déjà insuffisant durant la peine, l’accompagnement social est de facto quasi inexistant à la sortie. Il est pourtant crucial.

Passer des années en prison équivaut ensuite, bien souvent, à perdre son réseau social, qui ne peut donc plus agir comme un filet de sécurité à la sortie. Une partie des ex-détenu∙es sans point de chute termine donc à la rue. Garder des repères – notamment familiaux ou sociaux – est pourtant primordial, car la détention empêche bon nombre de personnes incarcérées d’évoluer en même temps que les changements sociétaux, rendant la réinsertion encore plus difficile. S’accommoder à une nouvelle réalité peut être brutal et demander un certain temps.

Gregory (prénom d'emprunt), accueilli à L’Ilot à sa sortie de prison, témoigne : « Pour moi c’est la double peine : non seulement on en bave en prison mais après, une fois sorti, le cauchemar recommence et je suis puni une seconde fois. »

Pas/peu d’accompagnement, rupture des liens sociaux, décalage par rapport à la société… quelles sont les conséquences sur le terrain ?

En plus d’être injuste (la « dette à la société » des ex-détenu∙e∙ est sensée être soldée une fois leur peine purgée), ce procédé est inefficace. En effet, face à ce nouveau chemin de croix, nombreux sont ceux et celles dont la santé mentale chancelle, qui (re)tombent dans les assuétudes, (re)basculent dans la criminalité...

Et face au manque de prévoyance de l’État, il incombe à certains acteurs de terrain, principalement le secteur du sans-abrisme et celui de la prévention aux assuétudes, d’assumer l’accompagnement de ces personnes. Nos Maisons d’accueil reçoivent un nombre de demandes (plus de 200 par an rien qu’à Jumet !) émanant de personnes sortant de prison qui est bien supérieur à nos capacités d’accueil.

Le problème se situe déjà en amont de la sortie : l’absence de réseau social empêche beaucoup de prisonniers et prisonnières en fin de peine de renseigner une adresse valide à l’administration pénitentiaire et donc de bénéficier des congés pénitentiaires auxquels ils ou elles ont droit. Pour – un peu – palier cela, notre Maison d’accueil pour hommes sans abri de Jumet leur réserve une chambre. Mais cela ne permet pas de rencontrer la demande, qui est bien trop importante que pour être absorbée par nos seules infrastructures. Les personnes que nous accueillons à leur sortie de prison sont toujours passées par nos services au préalable lors d’un congé pénitentiaire. Pour les autres, qui ne parviennent pas à trouver de places dans des institutions comme les nôtres, la rue devient presque une fatalité. L’Etat entretient ainsi un système qui crée mécaniquement du sans-abrisme.

Que pourrait-on faire différemment ?

Il y a tout d’abord lieu de se poser la question de la pertinence de l’enfermement pour certaines personnes. Il serait à notre sens judicieux de développer des alternatives afin d’offrir aux juges un panel de solutions plus diversifié qu’actuellement et éviter l’enfermement à certain∙es.

Ensuite, pour les profils pour lesquels la prison est inévitable, il faut absolument un meilleur accompagnement social en prison : celui-ci doit impérativement servir à la préparation de leur sortie. Cet accompagnement devrait idéalement se poursuivre une fois dehors, afin d’assurer la transition entre le monde carcéral et le retour à la vie en société. C’est en partie ce que le ministère de la Justice tente de faire avec la création de « maisons de transition » dans lesquelles certain∙es détenu·es purgent la fin de leur peine et où ils ou elles peuvent déjà jouir d’une situation intermédiaire entre la prison et l’extérieur. Le nombre de ces maisons et de facto celui de places disponibles sont actuellement tout à fait insuffisants. Les conditions pour y accéder sont aussi trop strictes, ce qui en exclut les profils qui en auraient le plus besoin.

Il est, enfin, anormal que l’État fédéral se repose sur le travail du secteur associatif, qui doit ainsi palier ces manquements avec des moyens dérisoires. Le minimum serait donc que le ministère de la Justice prévoit une dotation spécifique pour les associations effectuant ce travail d’accompagnement. Travail que nous réalisons actuellement sans qu’il ne soit financé par un seul euro public.

L'interview de Benjamin, conseiller plaidoyer à L'Ilot.

Décembre 2022. 1h30 (?). -2° Celsius. Charlotte et sa maman, première nuit sans abri 1024 576 L'Ilot

Décembre 2022. 1h30 (?). -2° Celsius. Charlotte et sa maman, première nuit sans abri

« Il est une ou deux heure du matin. La porte de la banque est fermée. Mon dernier espoir.

Je suis trop épuisée pour continuer à chercher un endroit où dormir.

Alors, je m’assieds sur ce sol glacial, Charlotte sur mes genoux. Je voudrais qu’elle dorme au moins quelques heures.

Charlotte cherche le sommeil. Malgré toutes ses couches de vêtements, je la sens trembler de froid. Elle respire fort, sa gorge lui fait mal.

Charlotte dans mes bras, le vent qui nous glace les os, je repense aux dernières semaines.

J’ai encore l’impression de collectionner les emmerdes les unes après les autres.

D’abord, le papa de Charlotte que j’ai enfin quitté. Et puis il n’a plus voulu entendre parler de nous quand il a rencontré quelqu’un d’autre. Et adieu la pension alimentaire.

Et puis, mon premier appart’ avec Charlotte a été une période magique. C’était la première fois que nous étions sans Lui.

J'avais l’impression qu’on s’était enfin retrouvées, toutes les deux. On buvait du chocolat chaud en regardant des Disney, on prenait notre petit-déjeuner ensemble, on rêvait…

Alors je n’ai pas voulu y croire quand j’ai vu les factures de gaz et d’électricité. Surtout qu’avant, c’était Lui qui s’en occupait.

Le montant, c’était presque tout mon salaire qui y passait. Je voulais juste profiter encore de mes moments avec Charlotte. Alors je n’ai rien fait. Et je n’avais plus d’argent sur mon compte bancaire. Les finances, c’était Lui aussi.

Et puis, un soir après avoir récupéré Charlotte de l’école, ma clef ne rentrait plus dans la serrure. J’ai appelé le proprio, les pompiers, la police. Cela n’a servi à rien.

Nous mourrons de froid pour notre première nuit dehors. J’ai tellement envie de m’endormir. Je ne sens plus le bas de mon corps. J’ai tellement peur que Charlotte ne se réveille pas... »

L’Ilot évite tous les désastres de la rue à des femmes et enfants sans abri comme Charlotte et sa maman.

Vous pouvez les aider. Faites un don.

Grand froid : l’urgence est dans la rue 800 531 L'Ilot

Grand froid : l’urgence est dans la rue

Ce n’est plus un secret pour personne, l’hiver approche. Et quand certain∙e∙s ont l’esprit aux fêtes, d’autres n’ont en tête que leur propre survie : le froid glacial qui tombe actuellement sur notre pays rend en effet la vie en rue encore plus insupportable, voire mortelle. Philip De Buck, directeur du Centre de jour de L’Ilot, témoigne de la situation catastrophique que les personnes sans abri traversent actuellement.

Le Centre de jour de L’Ilot, installé sur le Parvis de Saint-Gilles à Bruxelles, accueille tous les jours de nombreuses personnes sans abri en quête de services de première nécessité : un repas, une douche chaude, une sieste dans un cadre sécurisé et rassurant, une oreille attentive prête à écouter les épreuves traversées…

Attaqués de toutes parts par le froid, les corps glacés jusqu’aux os, des hommes, femmes et enfants sans abri sont de plus en plus nombreux et nombreuses à y chercher refuge… sans forcément le trouver, à notre grand désarroi : faute de moyens, nos équipes sont obligées de refuser l’accès à certaines personnes, sans savoir si elles seront encore en mesure d’endurer une journée dehors, de survivre seules en plein hiver…

Philip De Buck, directeur du Centre de jour de L’Ilot : « La vague de froid actuelle frappe de plein fouet celles et ceux qui vivent en rue : nous sommes obligés de refuser du monde au Centre de jour ! L’équipe doit donc laisser dehors des personnes sans abri qui ont déjà dû endurer toutes les difficultés d’une nuit en rue.

Le métro bruxellois fait en effet actuellement office d’abri d’urgence : tous les services sont saturés de demandes. Nous n’avons plus, à L’Ilot, de places d’hébergement disponibles !  

Des hommes, des femmes et des enfants sans abri souffrent du coup, en plus du froid glacial, de la violence extrême qui règne en rue : l’insécurité y est omniprésente. Ils et elles sont aussi en première ligne face à la maladie : la promiscuité et le manque d’hygiène entraînent une recrudescence de maladies graves, comme la gale.

Les manques sont criants, et pas seulement en matière de logement : nous devons remuer ciel et terre pour trouver de la nourriture en suffisance pour, chaque jour, proposer des colis alimentaires à celles et ceux qui ont faim et ne trouvent rien. »

Carte blanche : Bruxelles numérique, une mesure discriminatoire 1024 576 L'Ilot

Carte blanche : Bruxelles numérique, une mesure discriminatoire

Dans quelques jours, le gouvernement bruxellois va présenter au parlement un projet d’ordonnance intitulée « Bruxelles numérique », porté par le ministre Clerfayt. Cette ordonnance, qui a la même force contraignante qu’une loi, impose aux administrations régionales et communales bruxelloises (telles qu’Actiris, les CPAS ou les communes) de rendre intégralement disponibles en ligne leurs
services, et de communiquer avec les citoyens par ce biais. Par contre, ce texte n’impose pas aux administrations de maintenir un guichet humain, en parallèle de ce « guichet numérique ». L’objectif de la mesure est clair : le digital va devenir la règle quand le papier et le contact humain seront des exceptions. C’est ce qu’on appelle le « digital par défaut ».

Dans cette optique, L’Ilot a co-signé une Carte Blanche avec un important collectif d’associations et de professionnel.le.s bruxellois.es pour dénoncer la disparition des guichets humains ainsi que la dématérialisation irréfléchie de ces services.
La Cité des Dames, nouveau projet de théâtre participatif avec des femmes sans abri 1024 576 L'Ilot

La Cité des Dames, nouveau projet de théâtre participatif avec des femmes sans abri

« La Cité des Dames » est un projet artistique participatif et transversal mené par Marie Avril avec des femmes sans-abris de Bruxelles. La comédienne et metteure en scène s’est associée avec L'Ilot et quatre autres structures de terrain pour proposer des ateliers théâtre auprès de ce public vulnérable et invisibilisé : Douche Flux, Diogènes, Hobo et le Samu Social.

Depuis le mois de septembre, les femmes ont suivi un atelier de théâtre hebdomadaire et de cette exploration est née une forme scénique qu’elles partageront avec le public. La recherche a été collective, sur la base de jeux, d’improvisations sur des thèmes qu’elles ont choisis.

Marie Avril est accompagnée de Lénaïc Brulé, comédienne et de Rocio Alvarez, illustratrice, qui a réalisé une série de portraits lumineux et colorés des femmes pour les mettre à l’honneur. Eve Duchemin, cinéaste et documentariste, a accompagné elle aussi le trajet créatif des femmes avec sa caméra.

Trois représentations auront lieu en décembre :

• Le vendredi 16 décembre à 16h à l'Espace Magh Résevations : www.espacemagh.be / Tel : 02 274 05 10 ou par mail : loubna.elwahabi@espacemagh.be
• Le samedi 17 décembre à 19h à la Maison du Peuple
Résevations : www.lejacquesfranck.be / Tel : 02 538 90 20
• Le lundi 19 décembre à 20h30 à La Tricoterie
Résevations : www.tricoterie.be ou par mail : reservations@tricoterie.be

Afin de permettre au public de prendre part lui aussi à cette démarche, il pourra voir les portraits de Rocio et les images de Eve avant ou après le spectacle sur les murs de la Tricoterie. L’objectif du projet  « La Cité des Dames » est de rendre visible la problématique du sans abrisme à Bruxelles et particulièrement celui des femmes.

Projet réalisé avec le soutien de :

>> La Fédération Wallonie-Bruxelles (Un futur pour la Culture)
>> Du Fonds Célina Ramos géré par La Fondation Roi Baudoin
>> La Commune de Saint-Gilles
>> Les ASBL : L’Ilot, Douche Flux, Diogènes, Hobo et le Samu Social
>> L’Espace Magh

Et en partenariat avec :

>> Le Service de la Culture de Saint-Gilles
>> Le Centre Culturel Jacques Franck
>> La Maison du Peuple
>> Collectif Sanguin

Carte blanche : le « tarif social gaz » aussi pour le secteur sans-abri 1024 576 L'Ilot

Carte blanche : le « tarif social gaz » aussi pour le secteur sans-abri

C’est une actualité qui n’a échappé à personne : le prix de l’énergie a augmenté d’une telle manière qu’il en vient à fragiliser financièrement des personnes qui jusque-là n’étaient pas en difficulté. Le gouvernement, conscient de cette situation inédite, a cherché à développer des réponses afin de venir en aide aux ménages belges. Ces aides risquent de ne pas suffire. Nous coordonnons des maisons d’accueil, des maisons de vie communautaire, des abris de nuit, des centres d'hébergement d'urgence, des services de guidance à domicile, des services de Housing First, des équipes de travail de rue et des centres d’accueil de jour pour des personnes qui n’ont plus de « chez-soi ». Cet hiver, nous craignons une explosion des demandes. Ces dernières sont déjà, à l’heure actuelle, nettement supérieures à l’offre que nous pouvons proposer.

Dans cette optique, nous avons rédigé une Carte blanche, co-signée par les membres de la Fédération AMA, afin d'exiger que le tarif social-gaz soit appliqué aux structures qui accueillent des personnes sans abri.
Kart #4 | En rue, la violence est quotidienne 1024 576 L'Ilot

Kart #4 | En rue, la violence est quotidienne

Illustration Gérard Bedoret

Philip De Buck, directeur du Centre de jour de L’Ilot à Saint-Gilles, croise tous les jours des personnes sans abri victimes de la violence extrême qui peut sévir dans la rue. Il se souvient de plusieurs usagers et usagères avec des fragilités diverses et des solutions qui ont été mises en place par notre association pour les soutenir.
Quelle est l’importance du Centre de jour de L’Ilot pour les personnes vivant en rue ?

C’est un rendez-vous quotidien, stable, avec des horaires. On peut y trouver un peu de répit, manger un repas, prendre une douche, parler à quelqu’un… Ça apporte un certain cadre dans des vies souvent mouvementées et difficiles. Nous offrons également la possibilité aux personnes sans abri de participer activement à la vie quotidienne du Centre de jour, ce qui contribue beaucoup à retrouver une estime de soi.

Les services de première nécessité permettent aux personnes de sortir de l’urgence : manger, se laver, se reposer. Mais ils servent aussi d’accroche à l’équipe sociale qui peut, une fois que des liens de confiance ont été tissés avec la personne, entamer un travail psychosocial centré sur les autres besoins de la personne : remise en ordre administrative, recherche d’un logement, etc.

À quel point le public du Centre de jour est-il confronté à la violence ?

Déjà, dans la rue, on ne dort pas. Ou peu. Ou mal. Et quand on est privé·e de sommeil pendant plusieurs jours, on pète les plombs. Et c’est foutu pour longtemps. Dès qu’on expose sa vulnérabilité, on se fait tomber dessus. Si tu es affaibli·e, les autres te bouffent. Et on ne parle pas de « duel à la loyale », en face à face. La personne qui frappe ne veut pas prendre de risque : on te précipite sur les rails, on te pousse dans un escalier… En rue, la violence est partout tout le temps. Et elle tue. A petit feu, ou brutalement.

Comment accompagnez-vous celles et ceux qui doivent affronter cette violence quotidienne ?

Un service social, cela ne peut pas être rigide. Il faut multiplier les approches et diversifier les compétences. On réunit un maximum de conditions pour s’assurer de créer un lien avec la personne. C’est souvent un travail de longue haleine.

Je me souviens d’un gars qui a fréquenté le Centre de jour pendant deux ou trois ans. Il montrait des signes aigus de paranoïa et avait des accès de violence incroyables. L’équipe sociale a énormément travaillé, au jour le jour, pour le canaliser, éviter les conflits entre lui et les autres usagers et usagères. Ils ont déployé d’énormes efforts en matière de communication non-violente, sans jugement et avec empathie. Cela a fini par payer : on lui a un jour parlé d’une mise en logement – alors qu’il n’avait même pas encore entamé de suivi psychosocial – et son visage s’est éclairé, il a changé du tout au tout. Il a fallu trouver la bonne accroche, la seule thématique qui permettait d’avoir une conversation apaisée avec lui. À ma connaissance, il occupe toujours son logement et n’est jamais retourné en rue.

Arrivez-vous à accompagner efficacement toutes les personnes qui fréquentent le Centre de jour ?

Malheureusement non. Il y a des jours où l’on rentre chez soi en sachant que tel ou telle va passer la nuit en rue. On voit également des personnes décliner sans pouvoir leur apporter de solution. On est désarmé.

Et cela arrive tous les jours : je viens d’être interrogé par la police à propos d’un jeune homme, la trentaine, qui fréquentait le Centre de jour jusqu’à il y a peu. Il arrivait souvent le visage tuméfié et en sang, victime de passages à tabac de la part de dealers à qui il devait de l’argent. On est désormais sans nouvelle de lui, on ne l’a plus vu depuis des jours. Des usagers du Centre m’ont raconté qu’il était allé rejoindre sa sœur au Venezuela… C’est impossible, il n’a pas de papiers d’identité ! Un avis de disparition a été publié mais je crains qu’il ne soit décédé...

Quelles solutions peuvent, selon vous, être développées pour mettre fin à ce genre de situation ?

Prôner la mise en logement prioritaire, le principe du « housing first », offrirait la possibilité à beaucoup de personnes de reprendre leur vie en main. Avoir un toit permet de se réorganiser, se poser, reprendre ses esprits… Et quand on vient de la rue, juste se poser, ça peut prendre des semaines. L’Ilot développe à cet effet de nombreux projets focalisés autour du logement : projets immobiliers avec des investisseurs sociaux, captation de logements privés, gestion de projets permettant l’occupation temporaire dans des bâtiments inoccupés ou en attente de rénovation, aide à l’installation en logement, accompagnement social à domicile  pour favoriser le maintien en logement des personnes récemment relogées, etc..

L’Ilot, via ses Maisons d’accueil ou le Centre de jour, est régulièrement sollicitée pour sensibiliser les services publics (hôpitaux, commissariats de quartier, CPAS, etc.) aux particularités du sans-abrisme et au travail des équipes de terrain. Le maintien et le développement de ces collaborations devrait garantir, à terme, une meilleure prise en compte et compréhension des enjeux liés au sans-abrisme.

Les femmes et les enfants victimes de violence

Les femmes et les plus petits qui fréquentent notre Maison d’accueil pour familles avec enfants à Bruxelles sont régulièrement, dans leurs parcours respectifs, confrontés à de la violence : violences conjugales ou intra familiales, agressions sexuelles, harcèlement, etc. Il est primordial de pouvoir offrir un suivi personnalisé à chacun∙e, en fonction de ses besoins.

Valérie, assistante sociale de la Maison d’accueil pour familles avec enfants, témoigne : « On n’a pas de feuille de route, ce serait juste horrible. On traite chaque situation de manière individuelle, en respectant les demandes de la personne. On travaille également étroitement avec des services spécialisés, comme l’Assistance Policière aux Victimes ou le Centre de prévention de violences conjugales. Une partie de l’équipe est également formée à l’accompagnement des enfants victimes de violences conjugales et intrafamiliales. »

Kart #4 | « Très vite, il y a tous les classiques de la dégradation psychique qui s’installent » 1024 576 L'Ilot

Kart #4 | « Très vite, il y a tous les classiques de la dégradation psychique qui s’installent »

Illustration Gérard Bedoret

Manu Gonçalves est directeur de l’asbl Messidor-Carrefour, une Initiative d’Habitations protégées (IHP) destinée à la création de lieux de vie permettant la réinsertion de personnes sans abri avec un passif psychiatrique. Fort de sa longue expérience en la matière, il nous éclaire sur l’incidence de la maladie mentale sur le parcours en rue.
Il y a-t-il une prise en compte suffisante des pathologies mentales dans le sans-abrisme ?

La psyché fait partie intégrante de l’humanité. Et sa particularité, c’est qu’elle dérange celui ou celle qui en pâtit et son environnement. Les professionnel·les de la psyché n’ont pas réponse à tout. On minimise à cet égard le travail réalisé par des institutions comme L’Ilot. Vous créez du lien social et cela a une importance considérable dans la stabilisation des personnes. C’est aussi l’esprit-même d’une IHP : penser que la dimension collective et communautaire va faire soin.

Est-ce que le contexte d’une mise à la rue (et de la violence suscitée par cette dernière) peut constituer un accélérateur au développement de pathologies mentales ?

La mise à la rue ne provoque pas la maladie mentale, mais elle fragilise psychologiquement. Et chez les gens qui ont des pathologies, elle va les faire flamber. C’est en cela qu’il y a urgence. Cela dit, une détresse ou une pathologie ne se présente pas en quelques heures.

En revanche, très vite, il y a tous les classiques de la dégradation psychique qui s’installent. Ceux qui vont couper la personne de ses propres sentiments. La preuve, c’est que quand on remet en logement des gens qui ont été à la rue pendant des années, il se peut qu’ils tombent malades. Sans l’avoir jamais été avant. Comme s’il y avait quelque chose où, psychiquement, la rue avait pour effet de mettre la maladie à distance. Et que tout d’un coup, le fait de se retrouver un peu protégé·e, offrait à cette dernière un terreau à nouveau favorable.

Comment traiter des questions de santé mentale quand les besoins primaires ne sont pas eux-mêmes rencontrés ?

On ne fait pas l’un ou l’autre. On fait l’un et l’autre. Parce que c’est le seul moyen d’être utile à la personne tout en lui apportant du soin. C’est ce que vous faites à L’Ilot.

Et cela dépend aussi du rapport de la personne à sa « conscience morbide ». On parle de conscience morbide lorsqu'on veut évoquer la capacité d'un patient, atteint d'un trouble ou d'une pathologie psychiatrique, à se reconnaître comme malade. Malheureusement, le propre des fortes pathologies mentales, c’est qu’il n’y a pas de conscience morbide. Ou très peu. C’est-à-dire que la personne délire, mais ne s’en rend pas compte.

Tant que la personne a un rapport à l’étrangeté de ce qu’elle vit, il y a de la place pour offrir du soin. Quand il n’y en n’a pas, cela complique la donne et le risque de mise en danger devient réel.

Des aspects avec lesquels les travailleuses et travailleurs sociaux se trouvent parfois démunis, par manque de formations spécifiques dans le domaine de la santé mentale. Quelle solution le secteur peut-il faire valoir ?

Effectivement, on ne peut pas demander aux équipes de L’Ilot de faire du soin, du thérapeutique. Ce n’est pas leur métier. Et pourtant, les pathologies mentales font partie intégrante de leur quotidien.

De mon point de vue, il ne faut pas être psychologue ou psychiatre pour être utile à une personne en détresse psychologique. Il y a plein de travailleuses et travailleurs psychosociaux utiles sur les sujets de la santé mentale.

Le problème, c’est que le discours dominant dans notre société, c’est qu’il faut des gens estampillés par la faculté pour pouvoir assurer une prise en charge efficace. Mais de mon point de vue, plus une société est bienveillante, moins il y aura de gens en détresse. À condition de les considérer.

Or, les personnes en détresse psychologique sont quantité négligeable. Ce sont « les hommes infâmes » de Michel Foucault. Ceux se situant en-dessous du prolétariat et devant lesquels on ferme les yeux.

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences 1024 608 L'Ilot

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences

Illustration Gérard Bedoret

On peut être une femme diplômée, une travailleuse opiniâtre, une mère de famille épanouie et tout perdre. On peut aussi avoir, comme moi ou comme certain·es d’entre vous peut-être, les ressources nécessaires pour s’en sortir en cas de pépin.  La frontière est pourtant souvent ténue entre un cadre de vie idyllique et la détresse qui nous mènera au sans-abrisme.

Le sans-abrisme ne se limite pas aux personnes contraintes de dormir dans la rue. La FEANTSA* élargit ce concept aux problèmes de logements précaires ou inadéquats, faisant entrer de fait dans la population dite sans abri l’ensemble des ménages vivant dans des logements trop chers par rapport à leurs revenus, surpeuplés ou insalubres. Avec les crises que traverse aujourd’hui notre société, le nombre de personnes correspondant à ce profil, et donc en risque de perte de logement, va littéralement exploser.

Cela ne surprendra personne, mais le sans-abrisme ne s’anticipe pas. Dans beaucoup de cas, il ne s’annonce pas non plus : aujourd’hui, l’augmentation de la pauvreté fait que de plus en plus de personnes peuvent, du jour au lendemain, se retrouver sans rien.

Et les causes qui peuvent faire basculer vers le rien sont nombreuses : la perte d’un emploi, le faible niveau des revenus, la monoparentalité, les violences conjugales ou intra familiales, les migrations, les problèmes de santé, une rupture familiale ou amoureuse, le manque de logements abordables, le soutien insuffisant accordé aux personnes sortant d’un centre de soin, de l’hôpital, de prison ou d’autres établissements publics, l’extrême fragilité du réseau social et/ou familial. À cette liste déjà trop longue, on doit désormais ajouter l’augmentation du prix de produits de première nécessité et l’explosion des coûts énergétiques.

Le profil de la population sans abri est tout aussi diversifié. Elle ne comprend pas seulement des hommes seuls. Aujourd’hui, ce sont aussi des femmes et des familles, des jeunes, des enfants, des migrant·es et d’autres publics souvent marginalisés.

Sont aussi concernées des personnes en situation d’exclusion en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Un public souvent en situation de rupture familiale, livré à lui-même.

La détresse et la brutalité d’une mise à la rue ne connaissent pas d’équivalent en termes d’exclusion et de violence. En quelques jours, en quelques heures parfois, la confrontation avec le réel dépasse l’entendement.

Une spirale infernale qui guette beaucoup plus de monde qu’on ne le voudrait. Le décalage avec sa « vie d’avant » est parfois vertigineux et favorise les fêlures. Seul·e ou accompagné·e, dans la rue, le vide est partout. Et la société, en roue libre, ne s’arrêtera pas : il faut tellement peu de temps pour devenir invisible. Et des années pour tenter se reconstruire.

Les violences psychologiques vécues par les personnes sans abri sont d’autant plus fortes qu’elles s’accompagnent trop souvent de l’absence ou d’une insuffisance de suivi psychosocial de qualité. Le manque de ressources auquel sont confrontées les personnes concernées favorise cette plongée vers l’oubli, particulièrement pour les femmes qui doivent faire face à des structures peu adaptées à leurs besoins spécifiques. C’est pourquoi, en 2023, L’Ilot ouvrira un nouveau Centre de jour réservé aux femmes et exclusivement pensé par et pour elles.

Au contact de la rue, sans logement, sans accompagnement, il faut si peu de temps pour disparaitre et l’on sait les premières heures décisives. C’est sur celles-ci que je veux insister aujourd’hui. Et c’est notamment pour cela que seules des solutions dignes, structurelles et globales sont efficaces à moyen et long termes.

Parce que, en définitive, la situation des personnes sans abri nous concerne toutes et tous.

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot

* La Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans abri.

Une nouvelle Maison d’accueil pour hommes sans chez soi dans la région de Charleroi 1024 682 L'Ilot

Une nouvelle Maison d’accueil pour hommes sans chez soi dans la région de Charleroi

L'Ilot a dernièrement accepté la proposition d'Emmaüs de reprendre la gestion de ses installations à Marchienne-au-Pont, dont une Maison d'accueil pour hommes sans chez-soi. Présentation du projet.

Proposer un hébergement temporaire permet aux personnes accueillies de se reconstruire, de se stabiliser et de faire le point sur leur situation (administrative, familiale, sanitaire, financière, etc.) afin d’envisager à nouveau un projet d’avenir.

Comme chacune des trois autres Maisons d'accueil de L’Ilot, celle de Marchienne-au-Pont est un lieu à taille humaine et avec une capacité d’accueil volontairement limitée (actuellement 12 places) afin de préserver l’intimité et le bien-être de chacun.

Les personnes y bénéficient d'un hébergement, de repas, mais aussi d’un accompagnement psychosocial basé sur les parcours de vie et les besoins spécifiques individuels.

La Maison accueille tout homme sans abri, quels que soient son parcours et son histoire. Il s’agit d’un public confronté à des difficultés sur plusieurs plans : sanitaire, psycho-social, administratif et économique.

Les problématiques rencontrées sont donc également multiples : assuétudes, problèmes de santé mentale, ruptures, surendettement, réinsertion après un séjour en prison, etc.

Les usagers de la Maison d'accueil peuvent également prendre une part active dans les activités de la Recyclerie de L'Ilot installée sur le même site.

Avec désormais deux Maisons d'accueil autour de Charleroi, à Jumet et à Marchienne-au-Pont, L'Ilot  devient l'un des principaux acteurs de la lutte contre le sans-abrisme dans la région.


Contacter la Maison d'accueil pour hommes sans chez soi de L'Ilot à Marchienne-au-Pont :

071/49.71.20

Rue de Beaumont 344 à 6030 Marchienne-au-Pont