Une ville plus propre
Certaines personnes assimilent les habitants et habitantes de la rue à la saleté. Pourtant, il est évident qu’une personne vivant dans la rue génère moins de déchets annuels que la majorité de la population. Ces personnes sont aussi les premières victimes d’un environnement dégradé et sale auquel elles ne peuvent se soustraire. Il est donc important de repenser les enjeux de propreté publique en les intégrant à cette réalité : il faut notamment plus de poubelles, un ramassage plus fréquent, ainsi que plus de cendriers pour limiter la multiplication des mégots.
Axe 2 : Une approche solidaire plutôt que répressive
Il semble que, sous couvert d’actions visant à « sécuriser » l’espace public, certaines communes et certain·es bourgmestres cherchent à durcir leur discours vis-à-vis des personnes sans chez-soi : appels à ne pas donner d’argent, opérations de « nettoyage », règlements anti-mendicité, etc. Outre que ces méthodes ne règlent en rien le problème (qui ne fait que se déplacer d’un quartier à un autre, avec souvent en parallèle une dégradation de la situation des personnes qui perdent leurs repères et le lien avec les équipes sociales de rue qui les accompagnent), cette tendance est extrêmement préoccupante. Nous vivons dans des sociétés d’abondance : jamais, dans l’histoire de l’humanité, les niveaux de confort et de richesse n’ont été aussi élevés. Dans ce contexte, cette « chasse aux pauvres » est indécente. Plus que n’importe quel autre niveau de pouvoir, les communes doivent être un soutien pour les personnes les plus précarisées, pas un obstacle. Nous appelons à la fin des règlements communaux anti-mendicité et des autres dispositifs réglementaires visant à exclure les personnes de l’espace public. Nous saluons les politiques de certaines communes qui repensent leurs services de police et de gardiens et gardiennes de la paix pour plus de proximité : soutenir et orienter les personnes vivant dans la rue plutôt que les chasser et les réprimer. Le service public en sort grandi.
Axe 3 : Des CPAS qui s’adaptent aux besoins des personnes sans chez-soi
Le CPAS est le principal outil dont disposent les communes pour lutter contre la pauvreté. Malheureusement, trop d’entre eux oublient ou refusent encore d’accompagner les personnes sans chez-soi. La situation peut varier considérablement d’une commune à l’autre, preuve qu’une majorité communale peut influencer les pratiques en la matière.
Voici quelques exemples de bonnes pratiques à promouvoir :
- un accès plus simple et automatique à une adresse de référence ;
- une aide financière accordée lors de la remise en logement de personnes sans chez-soi ;
- un accès au revenu d’intégration sociale (RIS) moins conditionné pour les publics en situation de grande vulnérabilité ;
- moins de lourdeurs administratives et des délais réduits lors du transfert d’un CPAS à un autre ;
- une harmonisation des règles d’accès à l’aide médicale urgente (AMU) au sein des CPAS, avec une procédure simple et rapide ;
- des services accessibles en présentiel : les personnes sans chez-soi n’ont pas toujours les moyens de téléphoner ou d’utiliser internet ;
- un accueil digne et humain : trop souvent, des personnes sans chez-soi rapportent avoir subi de la condescendance, voire des violences verbales lors de visites aux CPAS ;
- une personne de référence au sein du CPAS, formée spécifiquement aux problématiques liées au sans-chez-soirisme ;
- une convention de collaboration avec les Maisons d’accueil présentes sur le territoire de la commune afin de faciliter et améliorer l’accompagnement des personnes résidant dans ces maisons ;
- l’intégration d’experts et expertes du vécu au sein du conseil du CPAS, afin d’améliorer la compréhension et l’accompagnement des situations de sans-chez-soirisme ;
Tout cela n’est possible que si les CPAS disposent des moyens nécessaires pour répondre efficacement à ces ambitions. Trop souvent, ces services souffrent d’un manque de personnel, ce qui complique l’exécution de leurs missions et contribue à la difficulté du travail des agents et agentes de CPAS.
Axe 4 : Une politique communale qui s’empare des enjeux de genre
Comme abordé dans l’axe 1, la question du genre est souvent présente dans les problématiques liées au sans-chez-soirisme, mais elle est trop souvent négligée dans les politiques communales. Les études montrent que la première cause de perte de logement pour les femmes est la violence : psychologique, intrafamiliale, conjugale, sexuelle, économique ou parfois toutes à la fois.
Les communes doivent traiter cette problématique sur deux fronts : anticiper ces violences et en gérer les conséquences lorsque la prévention a échoué. Voici quelques propositions dans ce domaine :
- former les forces de l’ordre à agir et prévenir en cas de violences faites aux femmes et aux personnes sexisées : trop souvent, ces violences sont perçues comme un simple conflit, renvoyant dos à dos la victime et l’agresseur. Cela doit changer ;
- disposer de procédures et de moyens pour mettre les femmes et les personnes sexisées à l’abri en cas de danger. Par exemple, en créant des logements de transit dédiés ;
- mieux faire respecter les interdictions de contact entre un conjoint violent et sa victime. Trop souvent, les agresseurs transgressent cette interdiction sans être inquiétés. Une meilleure écoute et prise en compte de la parole des victimes par les polices locales est nécessaire.
Au-delà de la question des violences faites aux femmes et aux personnes sexisées, les communes doivent intégrer la dimension de genre dans toutes leurs décisions. C’est particulièrement vrai pour le sans-chez-soirisme : aujourd’hui, les politiques sont encore largement pensées pour un profil masculin « type ». Pourtant, il est essentiel de prendre en compte la diversité des parcours, à commencer par les spécificités du sans-chez-soirisme féminin.
Axe 5 : L’accès au logement digne et abordable
On peut parler de l’espace public et de sa gestion mais, ultimement, sortir du sans-chez-soirisme passe par l’accès à un logement. Les communes ont un rôle clé à jouer en la matière.
Une politique de lutte contre les logements vides
Nos sociétés sont confrontées à un paradoxe : d’un côté, des logements vides, inoccupés ; de l’autre, des personnes dormant dans la rue faute de logement. Lutter contre les logements inoccupés permet d’augmenter le nombre d’habitations disponibles, ce qui a un impact positif dans la lutte contre le sans-chez-soirisme. De nombreuses communes ont mis en place des taxes, parfois sévères, sur les bâtiments vides, mais cela ne suffit pas : encore faut-il les identifier. Certaines ont également développé des programmes de rénovation de bâtiments abandonnés, pour ensuite leur donner une vocation sociale. Ce type d’initiative est à encourager.
Mise à disposition du parc de logements communaux
Presque toutes les communes disposent d’un parc de logements leur appartenant, mais la gestion de celui-ci varie grandement d’une commune à l’autre. Pour certaines, c’est une source de revenus ; pour d’autres, un levier d’action sociale. Si chaque commune dédiait une partie de son parc au relogement de personnes sans chez-soi, cela aurait un impact significatif sur notre secteur, qui peine de plus en plus à trouver des logements disponibles.
Intégrer des critères sociaux dans les projets immobiliers
Un des importants leviers des communes sur le marché du logement se trouve dans les procédures d’urbanisme. Lorsque des projets immobiliers d’envergure leur sont soumis, les communes devraient systématiquement exiger qu’une part de ceux-ci soit dédiée au logement social. Ne pas le faire contribue à l’augmentation du nombre de logements neufs et chers, au détriment des logements abordables. Garantir une portion de logements sociaux, c’est assurer que des lieux accessibles restent disponibles pour les personnes en grande précarité, afin que personne ne soit oublié.