8 mars : la pauvreté est bel et bien genrée
Pauvreté individuelle, dépendance financière, taux d’emploi, écarts salariaux... En matière de précarité socio-économique en Belgique, les femmes occupent toutes les premières places.
La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars, c’est l’occasion pour L’Ilot de rappeler que c’est notamment la pauvreté résultant d’emplois mal considérés et précaires qui oblige les personnes – et donc majoritairement les femmes – à vivre constamment à la limite de leurs capacités, mal logées, avec le risque permanent de basculer…
Pas d’argent ? Pas de logement !
L’affirmation semble évidente. Ce qui l’est moins, c’est l’impact de la précarité financière sur le public féminin en particulier. Beaucoup d’indicateurs, notamment ceux que L’Ilot a mis en évidence dans son étude-action « Sans-abrisme au féminin : sortir de l’invisibilité », montrent clairement que les femmes sont, de manière générale, plus pauvres que les hommes :
- 70 % des personnes en situation de pauvreté individuelle sont de sexe féminin ;
- en Wallonie, 27,1 % des femmes sont dans une situation de dépendance financière (à un conjoint la majorité du temps) contre 12,3 % des hommes ;
- les familles monoparentales vivent avec un risque de pauvreté de 41 %. Or, dans 83 % des cas, ces ménages sont en réalité composés d’une femme seule avec un ou plusieurs enfant(s) ;
- après les familles monoparentales, ce sont les femmes seules de moins de 65 ans qui sont les plus exposées à la pauvreté, avec un risque de 27,6 %.
Cette plus grande précarité des femmes par rapport à leurs homologues masculins fait qu’elles sont notamment plus exposées au mal logement et, dans les situations les plus problématiques, au sans-abrisme. Pour se payer un logement décent, il faut de l’argent !
Si la problématique est loin d’être neuve, elle nécessite pourtant, encore et toujours, le développement de solutions structurelles et innovantes, focalisées sur le vécu et la situation particulière des femmes. L’Ilot tient à travailler dans ce sens dans le futur en mettant notamment l’accent sur l’importance de former les travailleurs et travailleuses de terrain aux spécificités liées au genre de la personne sans abri ou mal logée.
Des emplois pénibles, précaires et mal payés
Pour éviter de tomber dans la précarité, il faut entre autres avoir accès à un travail de qualité, bien rémunéré. Et les statistiques montrent encore une fois qu’hommes et femmes ne sont pas égaux face à l’emploi.
La crise sanitaire liée au Coronavirus a en effet révélé à quel point les métiers dits « essentiels », de soins aux autres et à la société, sont principalement exercés par des femmes, dans des conditions de travail aussi pénibles que précaires et avec des salaires très (trop) bas : infirmières, aide-soignantes, caissières, puéricultrices, techniciennes de surface, etc. Plusieurs études ont aussi démontré que la charge du travail domestique et des soins aux enfants a explosé pour les femmes durant les confinements successifs, notamment en raison du télétravail. Les violences conjugales et intrafamiliales ont aussi augmenté, comme a pu le constater notre secteur, manquant de places pour les victimes.
Quelques chiffres – parmi tant d’autres exemples d’inégalités :
· selon les secteurs, 80 à 98% des « héros de la crise » - soit les travailleurs et travailleuses de première ligne – étaient en réalité des héroïnes. Or, la grande majorité d’entre elles gagnent moins que le salaire belge moyen ;
· 81% des travailleurs dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale sont des femmes ;
· l'écart salarial annuel s’élève à 21%, et les pensionnées bénéficient d’une pension 30% inférieure à celles des retraités. Ces écarts sont principalement dus au travail à temps partiel et à la forte présence des femmes dans des secteurs dévalorisés et mal rémunérés, typiquement le secteur du social et du soin ;
· en Wallonie, 68% des travailleuses de l’économie sociale sont à temps partiel (pour 31% des hommes). C’est le cas de 53% des Bruxelloises (et 23% des Bruxellois) ;
· selon une étude de la VUB, les femmes effectuent plus de deux tiers des tâches ménagères. L'institut pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes rappelle qu’un jour de semaine, les hommes consacrent 1h30 de plus que les femmes au travail rémunéré, tandis que les femmes utilisent ce temps supplémentaire pour le soin aux enfants et les tâches domestiques. Les hommes ont aussi 45 minutes de plus de temps libre chaque jour. Ces différences s’accroissent encore le week-end.
Une enquête française a montré que le travail domestique des mères a doublé pendant la crise sanitaire. La crise sanitaire pourrait donc faire reculer de 20 ans les très lentes évolutions en termes de répartition des tâches.
Qui prend soin de celles qui prennent soin ?
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, L’Ilot a décidé de se positionner et de participer à la journée de lutte du 8 mars. Le GRIF(F !), soit le Groupe de Réflexion et d’Initiative Féministes (et Féroces !) de L’Ilot a invité toutes les travailleuses à une journée de partage, de réflexion et de lutte, centrée autour de la problématique du soin des travailleuses du care. Les coordinations et directions de nos différents services de terrain ont tout mis en œuvre pour donner la possibilité aux travailleuses qui le souhaitent d’y participer.
L’initiative sera répétée, chaque année, tant que les femmes de tous les horizons ne seront pas considérées comme égales des hommes, dans le monde du travail et partout ailleurs.