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Aurélie Van De Walle

Aide alimentaire : le hold-up des start-ups ? 1024 576 L'Ilot

Aide alimentaire : le hold-up des start-ups ?

À L’Ilot, nous attachons une grande importance aux questions de santé alimentaire. Trop souvent par le passé, il a été estimé que les personnes sans abri « pouvaient être déjà contentes qu’on leur donne quelque chose à manger ». Non, tout le monde a droit à vivre avec dignité et cela passe aussi par le droit à une alimentation saine et de qualité. Toutefois, cet impératif n’est pas simple à atteindre dans un contexte où la stabilité financière des institutions du secteur est souvent précaire.

Le moyen que nous avons trouvé pour y parvenir à L’Ilot, c’est en mettant en place une collecte alimentaire : nous récupérons des invendus dans des grandes surfaces avant leur date de péremption. Cela nous permet d’abord de faire tourner nos cuisines sans faire exploser notre budget d’achat, et ensuite de pouvoir garantir à nos usagers et usagères des produits de qualité que nous n’aurions pas pu nous payer nous-mêmes. Cette collecte, nous la réalisons pour notre compte (les Cuisines de L’Ilot, quatre maisons d’accueil et deux centres de jour) mais nous redistribuons aussi une partie à des organisations plus petites qui n’ont pas les moyens d’organiser leur propre collecte.

Ce modèle est en danger.

L’arrivée des start-ups conjuguée à la franchisation croissante des grandes surfaces conduit souvent les magasins à préférer passer des deals avec ces start-ups par facilité et attrait du gain. En effet, ces pratiques monétisent les invendus nous mettant dans une situation de concurrence que nous sommes assurés de perdre.

Nous avons budgété que si demain à L’Ilot nous devions acheter 100% des denrées alimentaires que nous consommons, cela nous coûterait plus de 200.000€ par an. Une somme que nous n’avons pas et qui contribuerait à détériorer nos conditions d’accueil et qui, une fois de plus, pénaliserait ceux et celles qui sont les plus précarisés.

L’Ilot est membre du réseau LOCO : réseau d’organisations réalisant de la collecte et redistribution d’invendus alimentaires aux profits des plus nécessiteux. À ce titre, nous nous joignons à cet appel.

Un incendie impacte le site de L’Ilot à Marchienne-au-Pont 1024 576 L'Ilot

Un incendie impacte le site de L’Ilot à Marchienne-au-Pont

Dans la nuit de ce samedi 9 au dimanche 10 décembre, un incendie a ravagé le hangar de stockage de la Recyclerie Marchienne-au-Pont et les quelque 15m3 de dons qui y étaient stockés. Aucune victime n’est heureusement à déplorer.

Coup dur pour les activités de L’Ilot. Ce week-end, un incendie a détruit l’un de nos entrepôts, indispensables au bon fonctionnement des activités commerciales de la Recyclerie.

Heureusement, l’intervention rapide des pompiers a permis au feu de ne pas se propager à l’ensemble du site et au voisinage.

Cela reste une difficile épreuve pour nos équipes de la Recyclerie, comme pour celles de la Maison d’accueil pour hommes (13 lits) attenante.  

Si l’incendie n’a pas directement touché ni le bâtiment abritant la Maison d’accueil ni la Recyclerie, elle contraint cette dernière à fonctionner au ralenti jusqu’à nouvel ordre. Et la prive d’un important espace de stockage, nécessaire à son bon fonctionnement quotidien.

De fait, privé de ce dernier, la Recyclerie va devoir temporairement revoir son organisation : aucune collecte ni réception de dons matériels n’est actuellement possible. En espérant pouvoir rapidement envisager la reconstruction de l’espace détruit. Le magasin devrait, quant à lui, ouvrir comme prévu ce mercredi.   

Un an et demi après l’incendie qui avait impacté plus durement encore la maison d’accueil de Jumet, c’est un deuxième chantier d’importance qui vient chambouler les activités de L’Ilot.

Soirée slam avec la poétesse Lisette Lombé ! 1024 576 L'Ilot

Soirée slam avec la poétesse Lisette Lombé !

La poétesse, slameuse et plasticienne Lisette Lombé, poétesse nationale 2024, est aussi la marraine du Centre de jour par et pour les femmes sans abri de L’Ilot. C’est dans ce contexte que L’Ilot et Lisette Lombé s’associent ce 26/01 pour cette soirée Slam animée par le collectif L-Slam mettant en valeur les talents féminins de la scène slam francophone.

DE LA BOUCHE À L’OREILLE POUR ÉCOUTER NOS SLAMS

En présence de Tessy Oudèna, à l'occasion de la sortie de son livre « Mon nom de rue est personne », de Cindy Vandermeulen, fondatrice de la maison d'éditions « Courgette Edition » et de slameuses, cette soirée sera l’occasion de visibiliser le sort des femmes sans chez soi et le travail de l’asbl L’Ilot qui lutte contre le sans-abrisme depuis plus de 60 ans.

DU CŒUR À LA MAIN POUR SOUTENIR LE CENTRE DE JOUR CIRCÉ DE L’ILOT PAR ET POUR FEMMES SANS ABRI

Prix standard : 30 euros

Prix de soutien : 100 euros

AU PROGRAMME
  • 19h : accueil
  • 20h : introduction par Ariane Dierickx
  • 20h15-20h45 : interview de Tessy Oudèna (autrice de « mon nom de rue est personne) et Lisette Lombé
  • 20h45-21h30 : cartes blanches du collectif L-Slam
  • 21h30 – 23h : poursuite des échanges autour d’un verre

Infos et réservations : info@ilot.be

Sans papiers, sans droits, sans abri : un statu quo intenable ! 1024 576 L'Ilot

Sans papiers, sans droits, sans abri : un statu quo intenable !

Les associations tirent la sonnette d’alarme et proposent des solutions pour sortir les plus vulnérables de la rue.

Alors que dans l’actualité, on a pu entendre des amalgames entre la question des personnes “sans papiers”, l’insécurité et le terrorisme, les associations appellent à la nuance et à la responsabilité, tant des autorités que des institutions et des citoyen·nes.

Le Samusocial, le CIRÉ, Médecins du Monde, l'Ilot et la Brussels Platform Armoede s’adressent aux Bruxellois·es, aux médias et aux responsables politiques avec la campagne Sans Papiers, sans droits, sans abri. Pour témoigner de la réalité des personnes “sans papiers” accompagnées par le Samusocial mais également pour proposer des solutions et sortir les plus fragiles de l’errance. 

Nous partageons la ville avec de nombreuses personnes “sans papiers” ou sans titre de séjour valable. 

Certain·es viennent d’arriver. D’autres sont là depuis des années. Certain·es ont des enfants, d’autres sont des enfants. Certain·es naissent ici, “sans papiers” dès leurs premières heures. D’autres encore sont des adultes isolé·es, jeunes ou moins jeunes.

Les causes qui peuvent mener à la situation de “sans papiers” sont diverses et plus complexes qu’on ne l’imagine, l’obtention du droit de séjour se joue parfois à très peu de choses… Le risque est pourtant sans équivoque : l’absence de droits et de perspectives. Or, nos équipes le constatent chaque jour, la situation est telle qu’il est absolument nécessaire de prendre des dispositions urgentes pour aider les personnes “sans papiers” les plus vulnérables” déclarent de concert les responsables de nos associations

De nombreuses personnes “sans papiers” sont sans abri à Bruxelles. Parmi elles, certaines très fragiles qu’il faut pouvoir soutenir maintenant. 

Des personnes âgées, malades ou en perte d'autonomie, dont la situation se dégrade et qui parfois meurent en rue ou dans nos centres d'urgence, car sans titre de séjour, elles ne peuvent intégrer à temps une maison de repos et de soins. L’obtention d’un droit de séjour pour ces personnes fragiles permettrait une prise en charge adaptée selon leur situation psycho-médico-sociale afin qu’elles puissent poursuivre ou terminer leur vie en toute dignité.

Des femmes victimes de violences conjugales, souvent mères, parfois arrivées en Belgique dans le cadre d'un regroupement familial, risquent de perdre leur droit au séjour dès qu’elles quittent leur conjoint violent. Elles doivent pouvoir être protégées par un titre de séjour autonome délivré rapidement.

Des ressortissant·es européen·nes, parfois en Belgique depuis plusieurs années, deviennent sans abri et en situation irrégulière dès qu’ils et elles perdent leur logement et leur adresse légale. Ils et elles sont radié·es des registres, n’ont aucun autre droit que celui à une aide médicale urgente, restrictive et peu accessible. La facilitation de la domiciliation ou de l’octroi d’une adresse de référence permettrait à nombre de ces personnes de garder ou de retrouver leurs droits et de sortir de l’impasse du sans-abrisme.

L'absence de solutions ou de procédures simplifiées pour ces personnes les maintient, parfois depuis des années, dans le sans-abrisme et dans des dispositifs d'urgence, inadaptés à leur situation et coûteux pour l’État. 

Aujourd'hui, devant l’augmentation de personnes vulnérables, le statu quo n’est plus tenable.  

Nos associations ont la responsabilité de témoigner des situations parfois insoutenables observées par nos équipes de terrain. Témoigner au travers des portraits de quatre personnes aidées par le Samusocial que nous présentons dans un tabloïd distribué à la sortie de certains métros ce mardi matin.  

Témoigner, mais également proposer des solutions très concrètes, des recommandations pragmatiques  qui ont été dégagées avec le concours d’une vingtaine d’associations des secteurs social, juridique et sanitaire, pour protéger les personnes “sans papiers” les plus vulnérables et les sortir de l'errance.

C’est une question de bon sens, de droits et de dignité. La leur, autant que la nôtre.

Car notre action quotidienne nous rappelle sans cesse ce constat implacable : aucune mesure ne permettra de mettre fin au “sans-abrisme” tant que nous ne trouverons pas des solutions humaines et durables à la question des “sans papiers”. 

« Femmes à la rue, au bout de l’impasse », le nouveau reportage sur L’Ilot et les femmes sans abri à Bruxelles 1024 576 L'Ilot

« Femmes à la rue, au bout de l’impasse », le nouveau reportage sur L’Ilot et les femmes sans abri à Bruxelles

« Être une femme à la rue c’est avoir tous les problèmes des hommes, plus les problèmes des femmes ». Intriguée par le pourquoi d’un premier Centre de jour pour et par les femmes à Bruxelles, une équipe de la RTBF nous a accompagnés au cours des six derniers mois pour comprendre l’intérêt d’un tel projet.

C'est un constat alarmant qui leur a mis la puce à l’oreille. Quand nous avons contacté la RTBF et plus précisément la rédaction de l’équipe de l’émission « Transversales » de La Première, nous les avons d’abord bombardé de chiffres.

Parce que ceux-là parlent souvent d’eux-mêmes. À Bruxelles, en 15 ans, le nombre de personnes sans abri a quadruplé. Plus de 7000 personnes sont sans abri dans la capitale, et parmi elles, au moins 1 sur 5 serait une femme. Des femmes qui subissent dans la rue de nombreuses violences, mais pour lesquelles aucun centre d’accueil spécifique n’existe alors.

C’est ce qu’expliquait en janvier 2022 notre étude action réalisée sur le sujet. 91 pages pour analyser des chiffres sous-évalués, comprendre des parcours lourds de violences et questionner un secteur pensé au « masculin universel ». Et comme conclusion la recommandation de la mise sur pied d’un dispositif d’accueil de jour bas seuil, par et pour les femmes, indispensable selon la directrice de L’Ilot Ariane Dierickx : « Quand elles sont en rue, elles revivent des phénomènes de violence beaucoup plus difficiles. Pouvoir accueillir ces femmes dans un endroit où elles se sentent en sécurité et où il y a une écoute particulière, c’était indispensable pour nous. »

De la théorie à la pratique il aura donc fallu un peu plus de 18 mois. Le 20 septembre dernier, Circé de L’Ilot voyait enfin le jour au bout d’un été agité entre remise à neuf de ce nouveau lieu d’accueil, maraudes dans le quartier autour de la Gare du Midi pour faire connaitre le centre et les formations genre et travail social suivies par l’équipe sociale. Comme l’explique Cindy Meirsschaut, experte du vécu et pair-aidante à Circé, le Centre a été voulu comme une maison : « On se sert soi-même son café, il y a des canapés, des bouquins... Pour qu’elles se rappellent à quel point c’est chouette de se sentir comme à la maison car on est toujours dans l’instant présent et dans la survie quand on vit en rue. »

Des semaines stressantes, mais constructrices que l’équipe de « Transversales » aura donc accompagnée précautionneusement.  Avec distance, mais profondeur. Sans voyeurisme, mais toujours avec curiosité. En résulte le reportage puissant de Sophie Mergen. Trente minutes pour mieux comprendre l’indispensabilité d’un service longtemps absent, mais déjà indispensable pour vous faire une idée plus précise de ce qu’est le sans abrisme au féminin.

Kart #7 | « Quand vous ne parlez pas français en mai, vous ne pouvez pas conjuguer au futur antérieur en septembre… Le système scolaire n’est pas adapté à leurs besoins. » 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | « Quand vous ne parlez pas français en mai, vous ne pouvez pas conjuguer au futur antérieur en septembre… Le système scolaire n’est pas adapté à leurs besoins. »

EVA, 20 ans, bénévole « enfants » dans la Maison pour familles de L’Ilot à Bruxelles. Essaie d’optimiser son temps pour venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin.
Quel est ton rapport aux enfants que tu accompagnes à L’Ilot ?

J’essaie de ne pas trop rentrer dans l’intime ; par peur d’être intrusive, de réveiller des traumatismes. Mais s’ils ou elles ont envie de se livrer, ils savent qu’on a aussi la possibilité de ce lien-là.  Par exemple, je ne monte jamais à l’étage, dans les chambres. C’est une limite que je me fixe. Je reste concentrée sur les aspects purement scolaires en essayant de ne pas avoir l’étiquette d’une institutrice « classique ». Mais un côté un peu plus proche, plus copain-copine.

Est-ce que tu sens qu’il y a une réelle demande de la part des enfants ?

Clairement. Tous les enfants que j’aide ont des parents qui ne parlent pas français. Donc évidemment qu’ils ont besoin d‘aide pour leurs devoirs. Parce qu’obligatoirement, leurs parents ne s’intéressent pas vraiment à leur scolarité, ils ont malheureusement d’autres priorités, d’autres urgences. Et c’est bien normal. Donc quand j’arrive le mardi, je me sens attendue. Même si pour les enfants, à la limite, il faudrait que je vienne tous les jours. Parce que contrairement à ce qu’on croit parfois, ce sont des enfants qui tiennent à leur scolarité, qui n’ont pas envie de décrocher.

Malheureusement, si vous ne parlez pas français au mois de mai, vous ne pourrez pas conjuguer au futur antérieur en septembre ! Ça parait délirant de l’extérieur, mais c’est une réalité. Il y a trop peu d’efforts qui sont faits pour accompagner ces publics-là. Et je crois que le système scolaire en lui-même n’est pas adapté à leurs besoins.

Qu’est-ce que tu retires personnellement de cette expérience ?

Beaucoup de reconnaissance. Quand je vois des enfants de 6e primaire qui ne savent pas ce que c’est un nombre décimal, je me dis que notre présence est indispensable. Souvent, je leur fais des fiches de conjugaison. Quand j’en vois certains ou certaines les trimballer partout dans la maison, je me dis que ce que je fais n’est pas inutile. C’est gratifiant. On se sent utile.

L'interview d'Eva, bénévole « enfants » dans la Maison pour familles de L’Ilot à Bruxelles.

Kart #7 | Aller à l’école, mais dormir à la rue : une réalité inacceptable 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | Aller à l’école, mais dormir à la rue : une réalité inacceptable

Illustration : ©Espace Fragile - Judith Faraoni

Chaque rentrée scolaire nous ramène à un moment de vie empli d’émotions. Qui racontera le plus souvent l’état d’excitation… ou d’angoisse, c’est selon, qui était le nôtre à cet instant précis. Souvent associée à la fin des libertés estivales, la rentrée scolaire est pourtant le rendez-vous le plus structurant de notre société.

Celui qui, plus jeunes, nous a permis de sociabiliser, grandir, comprendre, échanger ou apprendre. Celui qui nous a toutes et tous, aussi, un jour ou l’autre, obligé à la comparaison : de nos cartables, de nos tenues, de nos goûters... Bien plus que de l’apparat, l’école est un miroir qui raconte qui nous sommes. Notre destin, notre famille. Notre chance d’être là aussi.

On le sait à L’Ilot, être attendu·e quelque part le jour de la rentrée scolaire est déjà une chance en soi. Ce lundi 28 août, toutes et tous n’auront pas la chance d’intégrer une nouvelle classe, de retrouver les copains et copines, de raconter les souvenirs d’été ou, tout simplement, de changer de quotidien. Car malheureusement, la routine de la plupart des enfants sans abri, c’est l’absence de scolarité.

D’autres enfants seront scolarisés sans pouvoir retrouver, chaque soir, un environnement sécurisant indispensable à leur bien-être. En Belgique, près d’un enfant sur cinq vit en effet sous le seuil de pauvreté et connaît la déprivation[1]. Rien que sur le territoire régional bruxellois, près de mille enfants vivent sans logement[2] : ils et elles sont accueillies dans des structures d’hébergement provisoire, des centres d’urgence ou connaissent l’errance en rue, dans certains cas sans même être accompagnés par des adultes. Mais comment appréhender sereinement une rentrée scolaire quand on n’a pas de chez-soi ? Comment suivre une scolarité « normale » dans un quotidien dicté par l’instabilité et la survie ?

C’est à ces questions et à de nombreuses autres qu’à L’Ilot nous avons voulu donner la priorité à la veille de la rentrée scolaire.

La preuve par l’exemple dans cette KART consacrée à la scolarité des enfants sans abri.

Bonne lecture,

Ariane Dierickx, directrice générale

[1] Anne-Catherine GUIO et Frank VANDENBROUCKE, La pauvreté et la déprivation des enfants en Belgique. Comparaison des facteurs de risque dans les trois régions et les pays voisins, Fondation Roi Baudouin, décembre 2018

[2] Dénombrement des personnes sans chez-soi en Région de Bruxelles-Capitale – Septième édition, 8 novembre 2022, Bruss’help, Bruxelles, mai 2023

Kart #7 | « Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. De lui permettre de retrouver son insouciance. » 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | « Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. De lui permettre de retrouver son insouciance. »

Illustration : ©Espace Fragile - Judith Faraoni

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours au sein de la Maison d’accueil pour familles de L’Ilot pour familles. Les veilles de rentrée scolaire encore un peu moins que les autres. Cette année à nouveau - parce qu’une des priorités de L’Ilot est de permettre à chaque enfant, quel que soit son parcours de vie, d’être scolarisé·e  -, ce sont ainsi plusieurs enfants accueillis dans la Maison qui prendront à nouveau le chemin de l’école chaque matin. Comme n’importe quel autre enfant. Trajectoire de vie cabossée non comprise.

« On prend souvent l’exemple de « Bienvenue chez les Ch’tis » pour résumer la situation des enfants qui fréquentent la maison », analyse en cinéphile Jean-Luc Joiret, directeur de la Maison. « Parce qu’ils pleurent en arrivant, mais aussi en repartant. »

Le but premier des travailleurs et travailleuses sociales de la Maison d’accueil pour familles est d’abord de rendre le séjour des enfants le plus agréable possible. « De leur permettre de retrouver tout simplement une place d’enfant », appuie encore Jean-Luc. « C’est-à-dire de ne plus les « parentaliser » à l’excès comme c’est malheureusement souvent le cas. Faire en sorte qu’ils n’aient plus à porter les problèmes de leurs parents et qu’ils puissent retrouver un peu d’insouciance, celle qui permet de grandir dans la légèreté. Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. »

Bénéficiant de l’agrément en Soutien à la Parentalité octroyé par la Cocof, la Maison œuvre aussi à la reconstruction d’une relation parent-enfant parfois abimée par les drames vécus par la famille. Parallèlement, l’équipe travail à faire vivre au quotidien un projet pédagogique visant aussi le suivi scolaire.

« C’est toute une manière de travailler dans le suivi psycho-social qui a pour finalité la reconstruction de l’enfant en tant qu’enfant, en ce compris le suivi de son évolution. Mais l’idée, c’est aussi de réussir à le déconnecter de sa trop dure réalité. De lui permettre de retrouver son insouciance : leur réapprendre à rire et à jouer, c’est presque le cœur du travail des éducateurs et éducatrices qui s’occupent des enfants. »

Un détachement que l’école participe à offrir également. « C’est pour ça que c’est important pour nous que les enfants qui fréquentent la maison soient scolarisés. Et c’est le cas de 99 % d’entre eux », confirme Jean-Luc. « Cela dépend de l’autonomie des parents, mais il arrive que nous intervenions dans les démarches administratives liées à l’inscription. »

Responsable des activités enfants, Emilie, travailleuse sociale, organise des activités pour les plus petits tous les mercredi après-midi. « On y aborde des thèmes variés. L’idée c’est de leur permettre de s’exprimer, de favoriser la mise en place de leurs émotions. De les faire parler de leur rapport à la scolarité parfois, mais surtout de leur intégration à la vie en collectivité. Et puis, de leur faire comprendre que c’est normal de ressentir parfois de l’injustice. »

A défaut d’un véritable « chez-soi », les enfants de la Maison pour familles de L’Ilot ont accès à des oreilles bienveillantes pour les écouter à leur retour de l’école. Un accompagnement indispensable pour limiter au maximum les risques de décrochage scolaire.

Kart #7 | « L’école est importante, mais tant qu’il n’y a pas d’hébergement, il n’y aura pas de sécurité. » 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | « L’école est importante, mais tant qu’il n’y a pas d’hébergement, il n’y aura pas de sécurité. »

Riche d'une forte expérience dans le secteur de la eunesse et de la protection de la jeunesse, Solayman Laqdim est depuis janvier dernier le nouveau Délégué Général aux Droits de l'Enfant (DGDE). Un poste qui compte et une place à part pour observer la situation spécifique des mineur·es en situation de sans-abrisme.
Mr Laqdim, pendant vingt ans, vous avez œuvré dans le secteur de la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Désormais DGDE, quel bilan tirez de la situation actuelle concernant les jeunes en errance et leur rapport à la scolarité ?

Vous avez raison, mon ADN, c’est l’aide et la protection de la jeunesse. Pendant vingt ans, j’ai vu beaucoup de jeunes sortir d’institutions spécialisées dans l’aide et la protection à la jeunesse et qui, quelques années après leur majorité, basculaient dans le sans-abrisme et dans l’errance. Les chiffres sont dramatiques. Ma conclusion, c’est que les réponses en forme de palliatif offertes aujourd’hui ne conviennent pas. La solution doit être préventive. Parce que quand vous êtes placé en institution jusqu’à vos 18 ans, le retour à l’autonomie est toujours compliqué. D’autant plus pour des publics qui sont des vulnérables parmi les vulnérables.

Qu’est-ce que vous appelez des vulnérables parmi les vulnérables ?

Déjà, la question des 18-25 ans est prioritaire. On a là la tranche d’âge la plus représentée au niveau du revenu d’intégration sociale. Avec des chiffres qui montent dans la Région de Charleroi jusqu’à 40 %.

Mais être une femme en rue, c’est encore une vulnérabilité en plus. Être une très jeune femme, avec les parcours terribles en matière de trafic d’êtres humains qui sont souvent les leurs, c’est encore une vulnérabilité en plus. Il y a aussi les MENA (ndlr : Mineurs Étrangers Non Accompagnés) bien sûr. Et un troisième secteur qui passe sous les radars, ce sont les jeunes avec handicap. La question centrale pour tous ces gens, c’est comment favoriser leur autonomie sans qu’ils basculent dans l’errance.

Et comment justement ?

La priorité, pour moi, c’est l’hébergement. Avant la scolarité. L’école ne redevient importante qu’une fois les situations individuelles stabilisées. Et la sécurité offerte. L’école est importante, mais quand on cumule toutes les difficultés propres à ces publics-là, on se rend compte que tant qu’il n’y a pas d’hébergement, il n’y aura pas de sécurité. Moi, je suis un fervent défenseur du Housing First. Et toutes les études démontrent à quel point cela fonctionne bien. Et puis, il y a la question de l’hébergement inconditionnel. Celui qui ne doit pas être trop restrictif dans ses conditions d’accueil.  Malheureusement, à Bruxelles, il y en a très peu. Donc, on se retrouve avec des jeunes qui ont des trajectoires de délinquance et des parcours de vie dans l’ensemble très cabossés, mais des institutions incapables de les prendre en charge par manque de moyens.

Nos institutions travaillent notamment en direction de très jeunes enfants avec parents. Que pensez-vous de l’idée que ces publics soient considérés comme prioritaires en matière de relogement ? 

Il y a tellement de publics précaires aujourd’hui, que la tentation c’est parfois de prioriser. De donner la priorité au « plus pire ». Parfois, cela en devient absurde. Avec les MENA, par exemple, comme il y a un déséquilibre avec les tuteurs, on favorise les situations avec une procédure judiciaire en cours. On peut en rire ou en pleurer, mais il y a des jeunes qui commettent des faits de délinquance pour pouvoir obtenir un tuteur. Tout ça pour dire que c’est toujours dangereux de prioriser.

La question migratoire est centrale parce qu’on sait que la méconnaissance d’une langue est un accélérateur en matière de décrochage scolaire. Comment réintégrer ces jeunes-là par l’école ?

Un accès aux droits compliqué, c’est là encore un accélérateur de vulnérabilité. Le paradoxe, c’est qu’on sait que l’école ouvre à toute une série de droits. Par exemple, un MENA, pour pouvoir avoir accès à une mutuelle, doit être scolarisé pendant trois mois. Normalement, une école ne peut pas refuser une inscription, sauf pour certains motifs. Mais dans les faits, la plupart des MENA qui se présentent dans une école sans tuteur pour les y accompagner se font remballer. Sans possibilité de se défendre, par méconnaissance des règles ou de la langue. La maitrise de cette dernière est centrale. Et on dit qu’il faut sept ans d’immersion pour pouvoir bien maitriser une langue…

Quelles solutions mettre en place pour pallier ce cloisonnement de fait ?

C’est une question compliquée. Surtout si on se concentre sur les jeunes qui ne sont pas scolarisables, qui ne sont jamais allés à l’école, qui ont connu la guerre depuis leur naissance, qui ont fait une route migratoire jusqu’ici et qui sont dans l’errance chez nous aujourd’hui. Scolariser des gens qui n’ont jamais été alphabétisés, c’est très compliqué. Des initiatives existent, mais elles fonctionnent avec très peu de moyens. Je pense à « La Petite École » dans les Marolles. On y pratique un enseignement très soft, mais l’objectif là-bas, c’est la remise en condition. Pour faire en sorte que ces jeunes puissent se resociabiliser. Voilà un type d’expérience probante. Il y en a d’autres. Les dispositifs DASPA (Dispositif d'Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants et Assimilés) par exemple. Là, on travaille avec des publics qui ont été scolarisés dans le passé, mais qui ne parlent pas la langue. Mais c’est un dispositif qui souffre d’un énorme décalage entre l’offre et la demande. Notamment en milieu urbain où il manque cruellement de places. Et puis le gros enjeu aussi, c’est la transition entre ces dispositifs DASPA et l’enseignement ordinaire. Là, il manque quelque chose.

Comment envisager positivement l’avenir dans ces conditions ?

Cela passera par une politique sociale ambitieuse. Par une politique d’accompagnement parental de qualité, bienveillante et qui respecte les choix éducatifs. Par plus d’inclusion à l’école. Plus de démocratie. Plus d’équité. Mais pour ça, il faut parvenir à sortir de cette logique de l’immédiateté. Même s’il faut reconnaitre que sur l’enseignement, avec le Pacte pour un Enseignement d’Excellence, c’est la première fois dans l’histoire récente politique que je vois quelque chose où on est dans une démarche sur du temps long. Et l’horizon aujourd’hui, c’est 2030.

On peut discuter du fond, mais c’est sain parce qu’il y a une vision. Et qu’on ne change pas les choses tous les cinq ans.

L'interview de Solayman Laqdim, nouveau Délégué Général aux Droits de l'Enfant (DGDE).

Soutenez L’Ilot via votre contrat d’assurance ! 1024 576 L'Ilot

Soutenez L’Ilot via votre contrat d’assurance !

À la rentrée, L’Ilot ouvrira les portes du premier Centre de jour par et pour les femmes sans abri à Bruxelles. Un endroit où elles pourront enfin se sentir en sécurité et échapper aux violences verbales, physiques et sexuelles dont elles sont trop souvent la cible en rue.

Nous avons une proposition à vous faire pour continuer à soutenir les initiatives de L’Ilot sans pour autant dépenser plus d’argent : en réévaluant votre contrat d’assurance habitation avec DAP Solidarity !

Si vous acceptez leur offre, DAP s’engage en effet à reverser une partie de votre prime d’assurance à l’association de votre choix. Pourquoi ne pas soutenir L’Ilot directement via votre contrat d’assurance en choisissant DAP Solidarity ?