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  • 10 mai 2021

Hôtel solidaire : de l’importance de jouer les prolongations

Hôtel solidaire : de l’importance de jouer les prolongations

Hôtel solidaire : de l’importance de jouer les prolongations 661 1024 L'Ilot

 

 

A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Le projet Hôtel solidaire a été lancé quelques semaines après le premier confinement. Les nouvelles mesures liées à la situation sanitaire engendraient en effet de nouvelles difficultés pour le public sans-abri. Ce projet était d'un tout nouveau genre. Créé initialement dans l'urgence, les prolongations successives dont il a fait l'objet ont cependant permis à la fois de révéler les avantages de cette méthode innovante, fruit d’une démarche sectorielle, et de permettre à certaines personnes hébergées de sortir du sans-abrisme grâce à un accompagnement vers la mise en place de solutions durables.

Rencontre avec Esther Jakober, chargée de projet à la cellule Capteur et Créateur de Logements et Sarah Goffin, coordinatrice pour les projets Hôtel et Issue.

Comment a démarré l’aventure Hôtel Solidaire ?

Esther Jakober : L’Ilot a démarré sa prospection d’hôtels fin mars, début avril 2020. Un premier hôtel a été trouvé au centre-ville après de longues recherches... Nous avions établi un fonctionnement idéal sur papier mais comme il s’agissait d’une première expérience, le concept a été amélioré au fur et à mesure des prolongations. Le fait de dépendre de prolongations n’a pas facilité les choses : nous n’avions aucune certitude concernant la durée du projet, nous avons donc recruté des travailleurs/euses pour des durées courtes, et l’incertitude a engendré un gros roulement au niveau du personnel. Nous avons acquis une certaine stabilité dès le mois de septembre 2020 grâce à la perspective de déménager le projet dans un nouvel hôtel et la prolongation du projet jusqu’en juin 2021. Ça nous a permis de mettre un fonctionnement plus solide en place comme une coordination sociale au sein du lieu. Celle-ci a contribué à structurer l’accompagnement.

Sarah Goffin : De mon côté, je me suis greffée au projet dans une phase de stabilisation avec l’arrivée dans un hôtel qui, en termes d’infrastructure, se prête beaucoup mieux à la gestion de ce nouveau dispositif d’hébergement d’urgence. Les parties communes sont beaucoup plus grandes, agréables et permettent de mettre en place plus de choses.

EJ : En pleine crise Covid, il a fallu trouver des solutions d’urgence. Or, il est important de pouvoir se poser pour monter un tel projet, trouver les bons lieux, entrer dans des négociations, etc.

Le milieu hôtelier était-il demandeur de tels projets ?

EJ : Au début, ce n’était pas si évident car personne ne pensait que la situation allait durer si longtemps. Les hôtels n’étaient donc pas forcément enthousiastes à l’idée d’accueillir notre public. Nous avons sondé quelques hôtels jusqu’à ce que l’on trouve un premier hôtel qui lui s’est montré directement intéressé.

La prolongation des mesures a suscité davantage d’intérêt de leur part ?

EJ : Des hôtelier·e·s nous ont ensuite proposé spontanément leur établissement. Nous n’avons pas pu répondre à leur demande : la mise en place de l’accueil de notre public dans un hôtel demande, outre son financement, une véritable organisation en termes d’infrastructure, de logistique, d’accompagnement et nous n’avons pas estimé raisonnable de lancer un autre projet de cette envergure en même temps que l’hôtel Belvue.

Quelle est la spécificité de l’accompagnement des personnes dans ce type d’hébergement ?

SG : Depuis le début, le projet hôtel solidaire consiste en un partenariat entre trois associations : L’Ilot, Diogènes et Doucheflux. Les occupants de l’hôtel sont des personnes orientées par ces trois services. On a eu la volonté très forte dès le début que l’hôtel soit gratuit et totalement accessible, ce qui a mené à la diversité des profils des personnes accompagnées. Les chambres sont individuelles et l’aspect communautaire est lié aux repas et à l’occupation des parties communes. Une grande indépendance est donnée aux résident.e.s de l’hôtel, contrairement à la vie en maison d’accueil qui impose un minimum de vie communautaire. C’est probablement aussi ce qui a orienté certains profils vers l’hôtel plutôt que vers les maisons d’accueil.

Qu’est-ce qui serait à retenir du projet Hôtel ?

EJ :Le projet hôtel a un coût élevé (mais pas forcément plus élevé qu’une maison d’accueil)mais ce modèle offre de multiples avantages : intimité grâce à une chambre individuelle (contrairement aux solutions d’urgence qui proposent souvent des dortoirs), sécurité, gratuité qui permet l’accueil de personnes sans revenus.

Voyez-vous l’Hôtel comme un substitut à l’urgence sur le long terme ?

EJ : J’imaginerais plutôt une modification de l’urgence : des lieux d’urgence plus accueillants avec un accompagnement renforcé. Il n’est pas forcément question de reproduire le luxe d’un hôtel. Je ne pense pas que les personnes accompagnées soient demandeuses de ça : une salle de bain, un lit, une télé et encore, ça suffit. C’est l’occasion de se poser des questions sur l’accueil d’urgence.

SG : Ici on a un accompagnement présent 7 jours sur 7, 24h sur 24 ; ça fait une grande différence en termes de besoins en ressources humaines, mais également pour l’accompagnement offert aux personnes. C’est une vraie plus-value de pouvoir offrir ça.

Un moyen pour les équipes d’entrer en contact avec des publics parfois hors des radars ?

EJ : Ça nous a permis de faire entrer des personnes qui ne voulaient entrer nulle part. Le contexte les a motivé·e·s parce que chacun·e a sa propre chambre, sa liberté. Ça nous a même permis d’entrer en contact avec des personnes qui ne voulaient pas entendre parler d’hébergement tout court, ni logement, ni maison d’accueil, etc.

SG : … et de faire entrer des profils qui sont en rue depuis des années et pour qui l’hébergement n’est pas envisageable. C’est vraiment grâce à l’intimité et à l’autonomie que ceci a été possible. Leur présence en un même lieu a un effet accélérateur sur toutes les démarches qui sont encore à faire que ce soit sur du suivi médical, le fait de recommencer à voir un médecin mais aussi pour toutes les démarches administratives entreprises.

EJ : C’est également sur la durée du projet que l’on a pu mettre ces démarches en place de façon structurée.

Au cours de l’année 2020, 44 personnes ont été hébergées au sein du dispositif Hôtel Solidaire. Parmi elles, six personnes ont trouvé un logement durable et stabilisé leur situation. La difficulté d’un tel projet réside notamment dans la complexité des dossiers des personnes hébergées et le caractère parfois inextricable de ceux-ci. 

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